PAR FRANÇOIS PHARISA

GRAND ÉCRAN. La semaine dernière au Prado, Scooby a attiré 35 spectateurs en cinq jours. «Notre meilleur film…» déplore, ironiquement, Xavier Pattaroni. Depuis le déconfinement, le programmateur des cinémas du groupe Cinemotion, à Bulle, Fribourg et Payerne, désespère de voir ses salles obscures renouer avec leur activité habituelle. Moins 33% aux Rex, – 70% au Prado, pire encore à Payerne: la fréquentation estivale est moribonde.

Face à cette tendance, Cinemotion a annoncé, dans un communiqué transmis lundi, limiter les jours d’ouverture de Bulle et Payerne aux vendredi, samedi, dimanche, et ce «jusqu’à nouvel avis». Une première, confinement mis à part.

«Nous ne baissons pas les bras, mais nous devons adapter notre offre à la réalité. C’est une mesure pragmatique. Nos recettes ne couvrent plus nos frais fixes», explique Xavier Pattaroni.

Absence de films porteurs

Les raisons de ce désamour sont multiples. Elles sont les mêmes un peu partout, en Suisse comme chez nos voisins. Il y a le «manque de films porteurs». Comprendre, les blockbusters hollywoodiens et les films familiaux drainant un large public devant les grands écrans.

Top Gun: Maverick, avec Tom Cruise, initialement prévu en juillet, a été reporté d’un an. Mulan, lui aussi agendé dans un premier temps cet été, ne sera finalement même pas projeté dans les salles. Une claque pour les exploitants. Mardi, on apprenait en effet que Disney avait décidé de le proposer directement sur sa plate-forme de streaming. Quant à Tenet, signé du réalisateur à succès Christopher Nolan (Inception, Dunkerque, la trilogie Batman), sa sortie est promise pour le 26 août, après avoir été repoussée à plusieurs reprises. Est-ce la lueur d’espoir qui viendra enfin éclairer ce sombre été? «Nous l’espérons. Nous misons aussi sur Yakari, qui sort la semaine prochaine et qui devrait séduire le public romand. Mais ça ne permettra pas de compenser les pertes enregistrées», relève Xavier Pattaroni.

Dire qu’à la même période, l’an dernier, la salle bulloise pouvait compter sur Le roi lion, Toy story 4, Spiderman ou encore Once upon a time…in Hollywood. Un dernier titre qui sonne comme un lointain conte de fées.

Climat anxiogène

Autre problématique, le climat anxiogène lié à la pandémie qui n’incite pas à s’enfermer dans des endroits clos. «Pourtant, pour le moment, il n’y a pas eu le moindre cas de coronavirus signalé dans un cinéma suisse», souligne Xavier Pattaroni, qui assure que les spectateurs sont accueillis en toute sécurité. Leurs coordonnées sont demandées à des fins de traçabilité et un siège doit être laissé vide entre les personnes ne faisant pas partie d’un même groupe.

La concurrence augmente

A ces facteurs s’ajoutent la météo ensoleillée, bien sûr, et la concurrence toujours plus redoutable des plates-formes de vidéo à la demande. Ces dernières ont encore gagné du terrain à la faveur des mois de paralysie qu’ont dû observer les salles obscures ce printemps.

Dès lors, la survie du Prado se jouera-t-elle ces prochains mois? Son programmateur se veut rassurant: «Il n’y a pas de menace à court terme. Cinemotion a des réserves, nous ne sommes pas pris à la gorge, mais nous devons nous montrer prudents. Nous ne savons pas jusqu’à quand cette crise durera. Fermer certains jours est préférable que de devoir licencier du personnel.» ■

Davantage d’événementiel?

Les salles de cinéma sont frappées de plein fouet par la crise de la Covid-19. «Les autorités en ont bien conscience», assure Philippe Trinchan, chef du Service de la culture du canton de Fribourg. Il en veut pour preuve les aides d’urgence déployées en faveur des acteurs culturels, dont font aussi partie les salles de cinéma. «Un premier soutien financier leur a d’abord permis de faire face aux coûts résiduels, hors RHT, liés à la fermeture imposée par le confinement. Cinemotion, par exemple, en a profité. Les salles peuvent aussi obtenir une indemnisation venant compenser leur perte d’exploitation enregistrée sur la période allant de leur réouverture, début juin, jusqu’à la fin octobre. Elles ont jusqu’au 20 septembre pour déposer leur demande.»

Mais la pandémie n’est pas la mère de tous les maux. La crise dans laquelle se débattent les salles de cinéma est aussi structurelle. La consommation cinématographique en ligne, à domicile, ne cesse en effet d’augmenter au détriment du grand écran. Pour Thierry Jobin, directeur artistique du Festival international du film de Fribourg, les salles devront à l’avenir miser toujours plus sur l’événementiel. «Elles pourraient servir de guides en diffusant sur leurs supports davantage de conseils et de critiques de films, afin d’aider les spectateurs à choisir. Cela permettrait aussi de créer une communauté, de fidéliser un public.» Philippe Trinchan met lui aussi en avant le rôle grandissant de l’événementiel: «Les exploitants de cinéma devront se singulariser, apporter de la valeur ajoutée, en organisant des soirées thématiques, en proposant des bords de scène avec un réalisateur par exemple.» FP

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Déserté, le Prado doit fermer certains jours

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