Dans Le poisson belge, vendredi à la salle CO2, deux solitudes se rencontrent. Ces deux êtres que la vie malmène sont magistralement interprétés par Roland Vouilloz et Margot Van Hove.

SAISON CULTURELLE. Elle a l’âge de savoir se défendre parce qu’elle a «vécu la cour de récré». Il a celui des regrets et des remords, dans une solitude que brisent à peine de piteux rendez-vous fixés sur internet. Le poisson belge, que la saison culturelle de CO2 accueillait vendredi à La Tourde-Trême, met en scène la rencontre entre deux âmes blessées. Elles vont chercher à s’apprivoiser pour, peu à peu, tâcher de se recoudre.

Le texte de Léonore Confino oscille entre l’humour à tendance absurde et les questions graves sur le deuil, l’identité, les normes: «Je suis pas standard, mais je suis pas folle», lâche par exemple la jeune Claude, comme un cri du cœur.

L’auteure franco-suisse aborde ces thèmes avec tact et construit très habilement sa pièce. Comme un puzzle, tout se met patiemment en place, en passant d’une étrangeté inquiétante à une émouvante révélation. Jusqu’à l’ultime scène, qui éclaire l’ensemble sous un autre jour.

Pour donner vie à cette rencontre entre une jeune fille et un vieux gar- çon, la compagnie Barberine, venue de Martigny, a fait appel à un duo de haut vol. Roland Vouilloz confirme ce que l’on sait depuis bientôt trente ans: ce Valaisan virtuose est l’un des meilleurs comédiens des scènes romandes. Une fois de plus, il joue de chaque mouvement de son corps et de chaque inflexion de sa voix avec une précision de funambule.

Confiance dans le théâtre

Roland Vouilloz possède aussi l’ambiguïté nécessaire pour incarner ce mystérieux Grande Monsieur, presque quinquagénaire et sans-dents. «Je n’ai pas envie de désorganiser ma vie. J’ai peu d’amis, peu de famille et l’enfance ne m’intéresse pas», assène-t-il. Mais cette étrangeté va se dissiper peu à peu et ce solitaire neurasthénique va gagner en humanité ce qu’il perd en froideur.

A ses côtés, Margot Van Hove a l’énergie juvénile et les intonations adolescentes qui conviennent à ce rôle. Même si, parfois, ses mots précipités ont eu tendance à se perdre un peu dans la grande salle CO2.

La metteure en scène Lucie Rausis accompagne scrupuleusement l’avancée de la pièce vers son climax. Avec juste ce qu’il faut d’accessoires pour évoquer l’appartement de ce célibataire vieillissant et une évidente confiance dans la force d’un théâtre qui se concentre sur l’essentiel.

Le poisson belge se présente ainsi comme une jonction réussie entre la subtilité d’un texte et la justesse des comédiens. La mise en scène peut se permettre de rester un rien en retrait: ici, pas de recherche d’originalité à tout prix, juste une volonté de privilégier la clarté du propos. Un choix judicieux pour mettre en valeur les questions sociétales qui affleurent derrière la joute verbale entre ces deux êtres, finalement plus proches que ce l’on pourrait imaginer. EB

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Deux êtres blessés, une même solitude

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