Le festival Textures - Rencontres littéraires, anciennement Salon du livre romand, se déroulera à Fribourg du 1er au 3 octobre. Interview de Matthieu Corpataux, le directeur de la manifestation.

XAVIER SCHALLER

Textures - Rencontres littéraires remplacent le Salon de livre romand, dont la dernière édition a eu lieu en 2019. Le changement de nom n’est pas que cosmétique, pour la manifestation qui aura lieu du 1er au 3 octobre. Celle-ci affiche les ambitions du nouveau directeur Matthieu Corpataux.

Etes-vous satisfait de la programmation pour votre première édition? Si on peut parler de programmation…

Je suis très content et on parle complètement de programmation. J’ai vraiment pensé Textures comme un festival. L’idée a tout de suite été de faire un événement plus important, plus ambitieux que le Salon du livre romand, de viser une sorte d’ampleur nationale.
On tend un peu vers des Journées littéraires de Soleure côté romand. Une formule de ce type n’existe quasiment pas dans l’espace francophone, que ce soit en Suisse romande ou en France. On pourrait aussi parler de FIFF de la littérature.

Comment vous situez-vous par rapport au Salon du livre romand tel qu’on l’a connu?

Il y aura dans Textures 100% de ce que les gens ont apprécié dans le Salon du livre romand. Sauf que là où il y avait une dizaine d’événements, on en aura cinquante: tables rondes et lectures comme avant, mais aussi performances, théâtre, expositions, installations…
J’avais une incertitude sur le marché aux livres, j’avais peur que les éditeurs craignent un peu cette nouvelle formule. Au contraire, ils sont autant voire encore plus motivés de venir. Quand je vois la liste des auteurs en dédicace qu’ils sont en train de préparer, ça va être de la folie!

A Fribourg, on a l’habitude des événements bilingues. Vous proposez du trilingue…

C’est une prise de risque assumée. Il faut essayer de sortir du côté régionalisme à tout prix. Fribourg étant bilingue avec une communauté italophone assez importante, notamment par l’Université, c’est le meilleur endroit en Suisse pour tenter un événement de ce genre. Après, il faut veiller à la proportion: sur 50 événements, il y en a deux italophones, six ou sept germanophones et trois petits trucs multilingues. Textures restent majoritairement un festival francophone, avec une attention particulière placée sur la relève littéraire et sur les Fribourgeois. Entre Tatjana Erard, Olivier Pitteloud, Michaël Perruchoud, Eric Bulliard, Louiza, Vamille, Bastien Roubaty.

Un des thèmes développé est «littérature et sport».
Une porte d’entrée pour un public qui ne s’intéresse pas forcément aux salons littéraires?

C’est complètement ça: rendre l’événement le plus accessible possible, qu’il intéresse la palette la plus large de publics. Les grands spécialistes vont y trouver leur compte parce qu’il y a des tables rondes sur des revues littéraires méga pointues ou bien sur les traductions impossibles. Mais l’idée est d’avoir une programmation éclectique, aussi pour les familles. Avec du live drawing, donc de l’illustration, toute cette thématique autour du sport, des Youtubeurs, de la médiation scolaire et culturelle, une after party au Nouveau Monde avec des écrivains et écrivaines qui vont mixer.

Depuis une année ou deux, il y a eu sensiblement plus de publications autour du sport. Donc c’est aussi une façon de suivre l’actualité littéraire.

Il a même du foot freestyle…

Avec Marc Jonin qui est dans le top 8 européen. Nous questionnons le sport dans l’art et la littérature, lui fait l’inverse: il questionne l’art et l’esthétique dans le sport. C’était donc pertinent de l’inviter. Cela permet d’égailler la programmation et de sortir de cette dualité débile qui veut que les sportifs soient cons et les littéraires chiants.

J’accorde énormément d’importance à la médiation, à la transmission, à l’accessibilité des littératures pour tout le monde. Il faut qu’on sorte de la littérature «violoncelle à côté du feu». On peut aussi faire d’autres choses. J’aimerais bien que la littérature, à l’image de la musique peut-être, devienne un truc beaucoup plus généralisé, que ça touche vraiment n’importe qui, tout le temps.

Plus d’événements, plus d’ambition, donc plus de moyens. A 150 000 francs,
le budget a triplé…

Les fondations nationales et les subventionneurs nationaux ne soutiennent pas les événements trop régionalistes. Ce n’est pas pour ça que j’ai fait cet événement trilingue, mais évidemment, quand on décide de faire une manifestation multilingue, d’ampleur nationale, on peut aller toquer à la porte de Pro Helvetia, de Göhner Stiftung, de Oertli Stiftung. On a aussi, par exemple, un soutien de la division culturelle du canton du Tessin.

Est-ce qu’il est facile de convaincre les artistes?

Quasiment toutes les personnes qu’on voulait ont accepté notre invitation. Dans l’équipe d’organisation, les gens qui s’occupent de la programmation sont tous des spécialistes, des critiques littéraires ou des chercheurs spécialisés. Typiquement, Frédéric Pajak, ça fait un petit moment qu’on suit son travail, qu’on connaît son œuvre et qu’on avait l’intention de l’inviter. Comme le projet l’a convaincu, il était d’accord de venir faire une exposition inédite de dessins. C’était déjà une grande chance. En voyant le programme, il a décidé, avec son éditrice, de miser sur le festival. Ils ont bousculé un peu leur calendrier pour sortir spécifiquement à Textures le prochain livre, qui s’appelle J’irai dans les sentiers.

Pas encore la première édition, déjà la reconnaissance?

J’espère. Il ne manque plus que le public pour confirmer ça. ■

Des événements dans onze lieux

A Fribourg du 1er au 3 octobre, Textures - Rencontres littéraires accueillent des auteurs des trois régions linguistiques. Parmi les francophones, on peut citer Frédéric Pajak – qui a reçu cette année le Grand Prix suisse de littérature pour l’ensemble de son œuvre – Elisa Shua Dusapin, Alain Freudiger ou Thomas Flahaut. Deux têtes d’affiche alémaniques sont au programme, Alex Capus et Arno Camenisch, et Yari Bernasconi et Andrea Fazioli côté italophone, qui dévoileront le livre qu’elles ont écrit conjointement.

Discussions, performances, lectures, expositions, tables rondes, ateliers… Une cinquantaine d’événements seront répartis sur onze lieux, dont le Théâtre Equilibre, l’Arsen’alt, le Nouveau Monde, le Musée d’art et d’histoire ou l’Espace Jean Tinguely-Nicky de Saint Phalle. Pour le traditionnel marché aux livres, une trentaine d’éditeurs prendront place à la forteresse du Belluard. Dimanche, en guise de clôture, Textures accueillera la Fondation Schiller, qui décernera les prix Terra Nova 2021 à trois personnalités représentant les trois langues. XS

Fribourg, du vendredi 1er au dimanche 3 octobre, programme complet sur www.textures.ch

Bio express

1992. Naissance à Matran, où il grandit.

2012-2015. Bachelor en histoire de la modernité et français à l’Université de Fribourg.

2013. Crée la revue littéraire en ligne L’Epître, qui fait la promotion de l’écriture et de la littérature suisse.

2015-2018. Master en français et histoire à l’Uni de Fribourg.

2015. Fonde, avec Lucas Giossi, les Presses littéraires de Fribourg, qu’il dirige.

2018. Assistant à l’Université, il enseigne et prépare un doctorat sur la poétique de la typographie.

2019. Il prend la direction du Salon du livre romand, renommé Textures - Rencontres littéraires.

2020. Les Editions de l’Aire publient son premier recueil de poésie, Sucres.

2021. L’Etat de Fribourg lui octroie une bourse d’encouragement à la création littéraire de
20 000 francs, pour qu’il se consacre à l’écriture de son deuxième recueil, Emma au jardin.

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