Si les coupures de courant deviennent réalité, il faudra tout de même assurer certains services indispensables.

Les procédures et les installations existent. Mais devant une situation de moins et moins hypothétique, chacun les revoit et les vérifie.

L’Etat de Fribourg aussi s’organise pour gérer à court et moyen terme la question de l’approvisionnement énergétique.

XAVIER SCHALLER

ÉLECTRICITÉ. Le risque de coupure de courant durant l’hiver pose des questions assez pointues concernant certaines installations critiques. Rapide tour d’horizon.

● POLICE

«Pour le pire des scénarios, à savoir des coupures de courant, certaines des infrastructures bénéficient d’une génératrice ainsi que d’un réseau électrique de secours, explique Martial Pugin, porteparole de la police cantonale. C’est notamment le cas de notre Centre d’engagement et d’alarme, où le traitement et l’acheminement des appels d’urgence doivent être garantis.»

Mais pour l’ensemble des feux bleus, il faut aussi que la population puisse donner l’alerte. Si le réseau GSM de téléphonie mobile venait à tomber en panne, de postes de rencontre d’urgence pourraient être mis en place dans les communes du canton. Le réseau de radio appelé Polycom, qui sera disponible dans les postes de rencontre, fonctionne en effet indépendamment du GSM. «Cela permettrait, le cas échéant, l’engagement et la coordination des moyens de secours en cas de délestage. Mais il faut être au clair: ce sera moins performant.» Le concept sera testé bientôt.

● HÔPITAL FRIBOURGEOIS

A l’HFR, un système de secours est en place pour chaque site avec des générateurs, ayant une autonomie de plusieurs heures, explique Jakob Munzinger, responsable d’exploitation. «Par ailleurs, les services “critiques” (urgences, soins intensifs, blocs opératoires par exemple) sont reliés à un réseau de secours.»
Il précise que l’HFR n’a jamais été confronté à ce genre de situation. Mais si tel devait être le cas, une procédure de crise est en place. «Les décisions adé- quates seront prises pour garantir une prise en charge des patients en toute sécurité, comme en période de pandémie Covid.» L’HFR planifie également un test grandeur nature.

Jakob Munzinger précise que le directeur des opérations dirige un groupe de travail incluant les départements de l’exploitation, de la sécurité et de l’informatique. «La première des priorités était de vérifier si les concepts de sécurité existants étaient suffisants face à la menace actuelle.»

L’HFR a vérifié que tous les services critiques sont connectés à l’alimentation de secours. «Celle-ci est testée chaque mois sur tous les sites. Nous prévoyons d’effectuer un test étendu en octobre pour vérifier le dépôt réel. De plus, nous avons décidé d’augmenter la capacité de nos réservoirs de diesel afin de garantir une plus grande autonomie.»

● PRISONS

Les prisons disposent de moyens alternatifs, précise Didier Page, secrétaire général adjoint à la Direction de la sécurité, de la justice et du sport. «Sur le site de Bellechasse, le bâtiment administratif est équipé de batteries pour les ordinateurs du secteur rémunération. Pour le Bâtiment cellulaire et le Bâtiment rouge, des génératrices diesel assurent l’alimentation des installations sécuritaires (caméras, interphones, portes électroniques, système feu, etc.), ainsi que pour l’alimentation minimale des cellules.» Le site de la Prison centrale, en ville de Fribourg, compte sur des onduleurs (lire ci-dessous) pour les dispositifs de sécurité et la centrale.

Afin de faire face au risque accru de rupture de l’approvisionnement électrique ces prochains mois, l’Etablissement de détention fribourgeois a défini les tâches prioritaires à assurer et a défini des propositions de mesures complémentaires. «Celles-ci seront mises en place en fonction des décisions et priorisations du Conseil d’Etat.»

● TPF

Pas grand-chose à dire du côté des Transports publics fribourgeois (TPF). Selon leur porte-parole Pierre Jenny, ils «ont mis sur pied quatre groupes internes qui travaillent très activement aux différentes thématiques en lien avec l’approvisionnement énergétique et une potentielle pénurie d’électricité. Le but est d’être prêt à affronter une pénurie d’énergie en prévoyant les différents scénarios, afin d’anticiper et de répondre aux mesures selon les paliers prévus par la Confédération.» Les TPF seront «plus à même de répondre aux questions» lorsque les groupes de travail auront terminé leurs analyses.

● STATIONS D’ÉPURATION

Pour le pompage, l’aération, le dosage, les stations d’épuration (STEP) ont besoin d’énergie pour fonctionner. «Elles sont souvent gourmandes, principalement en électricité, indique Eric Mennel, chef de la Section protection des eaux. Il est clair qu’en cas de coupures de longue durée, nous aurons des problèmes.»

Il souligne que des efforts sont en cours pour rendre les STEP au maximum autonomes, notamment grâce à la production de biogaz et la récupération de chaleur. «Mais on n’en est encore pas là.» Concernant les risques de pénurie, Eric Mennel attend des précisions concernant le cadre. «La Confédération doit surtout décider quel statut auront les STEP.» Est-ce qu’elles seront prioritaires, comme les hôpitaux, ou non?

Mais prioritaires ou pas, il faut se préparer. «Ostral, l’organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise, prépare des directives, en collaboration avec VSA, l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux.»

Diminuer au maximum l’électricité qu’utilisent les STEP implique de limiter certaines étapes de traitement en cas de coupure de courant. C’est-à-dire accepter, «provisoirement et de manière exceptionnelle», le rejet d’une eau moins propre, mais en évitant d’avoir un impact trop important sur les cours d’eau.

«Là, on parle de cas de catastrophe.» Le même genre de question se posera aussi pour les usines d’incinération, puisque l’apport de déchets ne va pas s’arrêter. «J’espère que nous pourrons tous faire suffisamment d’économies d’énergie, dès maintenant, pour éviter les pénuries et la difficile pesée d’intérêt qui en découlera.» ■

L’Etat se prépare à faire face

Une délégation «énergie» du Conseil d’Etat (DCE énergie) a été instituée fin août. Présidée par le directeur de la Sécurité, de la justice et du sport (DSJS), elle regroupe aussi les directeurs de l’Economie, de l’emploi et de la formation professionnelle (DEEF) et des Institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF). Le directeur du Développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l’environnement (DIME) participe également aux travaux comme invité.

La DCE énergie a déjà mis sur pied plusieurs organes, chargés de missions spécifiques. Un étatmajor énergie regroupe les partenaires principaux autour du Service de l’énergie. Il est chargé «d’analyser en permanence l’évolution de la situation et d’en envisager les conséquences, afin de conseiller au mieux les parties prenantes quant à leur marge de manœuvre».

En parallèle, la DCE énergie a réactivé – en la complétant – la Cellule de coordination cantonale (CCC) de la crise Covid-19. Premier objectif: assurer que les différentes mesures d’économie d’énergie sont prises de la manière la plus cohérente et coordonnée possible. «La CCC constituera ainsi la porte d’entrée principale des partenaires institutionnels (préfectures et communes notamment), de l’économie et de la société civile.» A l’interne de l’Etat, les actions seront coordonnées par la Conférence des secrétaires généraux.

La DCE présentera ses premières mesures lors d’une conférence de presse, à la fin du mois de septembre. XS

La sécurité d’un système

TECHNIQUE. Depuis qu’on parle de pénurie d’électricité, on entend beaucoup les termes de générateur, système de secours, onduleur et autres. Professeur de génie électrique à la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, Dominique Rolle rappelle les principes de base.

«Un générateur de secours, c’est, en gros, un moteur diesel couplé à un générateur pour fournir de l’électricité.» Avec deux problèmes principaux. D’abord, le temps de démarrage. «Quand il n’y a plus d’électricité, il faut vingt ou trente secondes pour que le moteur se mette en route et que tout se synchronise.»

Il faut donc une réserve d’énergie stockée dans des batteries pour assurer la transition. «Comme elles fonctionnent en courant continu, un onduleur est nécessaire pour produire du courant alternatif, comme pour les panneaux photovoltaïques.»

Le second problème est la puissance que peut fournir un système de secours. «Si vous pensez à un hôpital, il faudrait un générateur énorme et des quantités de diesel en conséquence pour que tout continue à fonctionner. Donc, on n’alimente que les éléments critiques. Vous avez généralement deux sortes de prises dans un hôpital: pour les appareils critiques et pour les autres.»

Si la puissance nécessaire n’est pas trop importante, on peut se contenter de batteries. «Tout est une question de dimensionnement et de combien de temps le système doit tenir.» XS

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Certains services doivent continuer, électricité ou pas

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