Lauréate de la 13e Enquête photographique fribourgeoise, Cécile Monnier a ausculté les rivières du canton sous divers aspects poético-documentaires.

PHOTOGRAPHIE. Dans la majestueuse salle de Friart, un arbre déchiqueté fait face au portraitcollage d’un pêcheur, une déesse de la fertilité toise un renard mort, des documents d’archives dialoguent avec une randonnée en vidéo. Force est de constater que la boursière de la 13e Enquête photographique fribourgeoise, la Vaudoise Cécile Monnier, manie l’art de l’éclectisme et de la variation des formes. Durant son année de travail, elle a sillonné de nombreuses rivières du canton. En noir et blanc, elle a saisi des paysages furtifs, des amoncellements de branches, une nature où l’être humain n’apparaît que par touches pointillistes.

«Cécile Monnier a approché la rivière comme un objet fuyant», a expliqué Nicolas Brulhart, le directeur de Friart, mardi lors de la visite de presse. Elle déploie ses images en divers formats, avec une attention particulière au graphisme formé par cette nature chaotique.

Multiples temporalités

Dans l’exposition, comme dans le catalogue, l’artiste explore différents types de temporalité: un aspect plus instantané dans la vidéo, toujours en noir et blanc, qui témoigne de l’une de ses balades au fil de l’eau. Des instants suspendus, avec les portraits rehaussés à la peinture vive et complétés de collages en forme de papillons, d’oiseaux ou de champignons. Ou encore une temporalité liée au passé, avec une utilisation subjective d’archives digitales glanées sur diverses platesformes patrimoniales. Des archives sous la forme de photographies, de gravures, d’articles de presse, de reproductions, qui forment un patchwork dans l’exposition et une respiration sur fond bleu foncé dans le livre.

A noter encore que quatre auteurs signent des contributions dans le catalogue: le Bullois Sébastien Lauper dresse un état des lieux de la pêche dans les cours d’eau fribourgeois; l’architecte-paysagiste genevoise Fanny Briand parle de paysages et de territoires; l’avocate parisienne Marine Calmet décrit l’état des droits de la nature et le photographeplasticien lausannois David Gagnebin-de Bons livre un texte plus littéraire sur la rivière en elle-même.

Au final, Des nuits sans silence s’avère être un projet poéticodocumentaire très ancré dans son temps, un brin fourre-tout et très tourné vers les formes. La prochaine Enquête photographique fribourgeoise devrait être lancée dans le courant de l’année. CD

Cécile Monnier, Des nuits sans silence, ACME/BCU

Une cantonale contemporaine

DEUXIÈME ÉTAGE. En marge de l’Enquête photographique, Friart met en avant la création contemporaine fribourgeoise. «Contrairement à des cantons comme Berne et le Jura (www. cantonale.ch), il n’existe pas vraiment d’exposition cantonale en fin d’année, explique le directeur des lieux Nicolas Brulhart. Or, cette année, nous avons voulu mettre en exergue dix praticiens fribourgeois, dont certains travaillent désormais à l’étranger, après avoir ressenti la nécessité de fréquenter des scènes artistiques plus denses.»

On retrouve ainsi une peinture sur bois de Jeremy intitulée Poïa. «On y voit un queer au corps rose qui offre ses fesses dans une nature qui fait référence au symbolisme, note le directeur artistique. L’artiste établi à Berlin s’inscrit dans une tendance qui dépasse la question des genres vers une ouverture interespèces.»

Mouvance postidentitaire

Certains artistes interrogent l’économie de moyens avec un souci écologique (Sacha Rappo), tandis que d’autres s’inscrivent dans une mouvance postidentitaire, à l’image de Margaux Huber et sa sculpture Sie hat die ganze Haus geputz. «Cette étagère, j’aurais pu la voir chez ma grand-mère, note Nicolas Brulhart. Elle l’a recouverte de crépis, pour interroger l’idée de domesticité, avec cette idée que la femme est forcément à la cuisine.»

On relèvera le minutieux dessin à l’encre de Chine de Guillaume Dénervaud intitulé Doctor Ozone, les deux toiles monstrueuses de René Walker ou les photographies trash de la vulve ensanglantée de Julie Folly. CD

Fribourg, Friart, jusqu’au 5 février, www.friart.ch

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