La LAMal prévoit que les hôpitaux financent eux-mêmes leurs investissements. Le canton de Fribourg a compris, bien après ses voisins, que ce système ne fonctionnait pas et a changé sa loi sur le financement des hôpitaux pour permettre un soutien étatique.

XAVIER SCHALLER

HFR. «L’Etat peut octroyer des aides financières aux investissements des hôpitaux publics.» Le Grand Conseil a décidé hier d’introduire cette petite phrase – qui change tout pour le futur de l’Hôpital fribourgeois (HFR) – dans la Loi concernant le financement des hôpitaux et des maisons de naissance (LFiH).

Depuis 2012 et la révision de la LAMal, les investissements des hôpitaux publics sont intégrés dans les forfaits liés aux prestations, les fameux DRG. Mais les tarifs négociés avec les assureurs ne permettent pas à ce système de fonctionner.

«En 2018, j’ai pris connaissance, dans une commission sur l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB), que l’Etat de Vaud se porterait garant pour les emprunts des investissements de l’établissement», a expliqué Anne Meyer Loetscher (centre, Estavayer-le-Lac). La députée se rend ensuite compte que tous les cantons voisins financent, d’une manière ou d’une autre, leurs hôpitaux publics, alors que cela est légalement impossible à Fribourg. «Il y a une véritable distorsion de concurrence.»

Avec son collègue de parti Hubert Dafflon, elle dépose une motion pour changer la loi cantonale. Le Grand Conseil l’accepte largement en septembre 2019. Puis plus de trois ans sont nécessaires pour que le Conseil propose les trois articles de loi adoptés hier par 89 oui, 1 non et 1 abstention. «Tout ce temps pour ça! a tempêté Anne Meyer Loetscher. Décidément, l’Etat ne se donne pas les moyens d’être bon.»

Changement nécessaire

Lors du débat, tous les groupes ont reconnu la nécessité de ce changement. Un verrou est enfin cassé, a salué Benoît Rey (cg-pcs, Fribourg): «Celui de la croyance que les structures hospitalières peuvent financer leurs investissements par leurs propres ressources. Le verrou aussi d’une loi qui nous empêche d’agir.» Maintenant, le Conseil d’Etat et le Grand Conseil ont «une marge absolue» quant à la forme de ce soutien, et il y a urgence.

«Notre groupe croit que nous sommes enfin en train de faire un grand pas pour répondre aux attentes des patients et des médecins», a plaidé Sébatien Dorthe (plr, Villars-sur-Glâne). Non sans préciser que le Grand Conseil ne donne pas un chèque en blanc à l’HFR en acceptant cette loi.

Bernard Bapst (udc, Hauteville) a renchéri au nom de son groupe: «Adopter une telle modification de loi sans connaître les conséquences financières peut paraître oser. C’est pourquoi cette nouvelle base légale devrait s’accompagner au plus vite d’une planification financière portant sur les dix prochaines années.» Il a aussi appelé le Conseil d’Etat et l’HFR à accélérer la politique hospitalière. «Plus les années passent et plus l’HFR doit puiser sur son compte courant pour financer des rénovations sparadraps», a rappelé Anne Meyer Loetscher.

Pour Elias Moussa (ps, Fribourg), la stratégie du Conseil d’Etat est limpide et décevante. Le plan financier 2022-2026 «prévoit un montant de 5 millions annuellement sous forme de prêt pour les investissements de l’HFR et de 80 millions en 2025 pour l’assainissement de l’HFR. Soit une aide financière absolument dérisoire, par rapport à des besoins chiffrés à plusieurs centaines de millions de francs.»

Le directeur de la Santé et des affaires sociales Philippe Demierre a contesté cette vision. Il a souligné que l’HFR a besoin de 20 à 25 millions par an «pour conserver la qualité des prestations». Mais avec les déficits accumulés année après année, l’HFR ne dispose pas des liquidités nécessaires. «Des discussions sont en cours pour définir la forme et le montant de l’aide pour combler les besoins pour les investissements 2023-2026. Le Grand Conseil sera saisi d’un décret à ce sujet dans le courant de l’année prochaine.» ■

Harmoniser les écoles

INFORMATIQUE. L’harmonisation des systèmes d’information pour l’administration des écoles (HAE) a été lancée en 2012. Mais elle a pris beaucoup de retard et n’est toujours pas terminée: le Conservatoire attend toujours et le portfolio des enseignants n’est pas prêt.

Le problème, quand un projet informatique traîne ainsi, c’est que presque tout change, y compris les coûts. Hier, le Grand Conseil a accordé, à l’unanimité, une rallonge de 3,4 millions de francs. Soit un dépassement de 21% du budget initial de 16 millions. «Après deux tiers du projet, il n’y a pas d’autre choix que de terminer», a constaté Katharina Thalmann-Bolz (udc, Morat). Elle a jugé justifié le fait que les exigences ont augmenté en termes de sécurité informatique et de protection des données, ainsi qu’en termes de fonctionnalités attendues.

Sans remettre en cause un projet «nécessaire et bien ficelé», Pierre Vial (ps, Progens) a été plus nuancé: «Même si cela fait sens, on peut regretter que ces quelques ajustements induisent des coûts supplémentaires et rendent caduques certaines solutions et investissements faits dans les écoles.» La directrice de la Formation et des affaires culturelles (DFAC) Sylvie Bonvin-Sansonnens a expliqué le retard pris par ces «grands travaux d’Hercule», par des procédures très complexes et des recours. «Il y a aussi eu un manque de ressources humaines à certains moments et le recrutement est difficile dans ce domaine.» La bonne nouvelle, c’est que les outils qui existent déjà sont «bien implémentés et fonctionnent».

Même si, selon Sophie Tritten (cg-pcs, Vuisternens-en-Ogoz), certains utilisateurs estiment que les manipulations pour entrer les données des élèves sont trop nombreuses. «Cela représente une charge importante pour l’administration et aggrave le risque d’erreurs. Mais c’est un outil pérenne appelé à évoluer une fois son déploiement achevé.»

François Genoud (centre, Châtel-Saint-Denis) espère aussi, avec le Club des communes du Grand Conseil, que le projet aura un impact positif sur les finances communales: «Cette harmonisation va aussi jouer un rôle essentiel dans la tâche du secrétariat d’école, à charge des communes.» XS

Pas d’aide en plus

SÉCHERESSE. Une motion proposait d’octroyer 10 millions de francs aux agriculteurs victimes de la sécheresse estivale. Le Grand Conseil a dit non, par 52 voix contre 35 (13 abstentions). Seuls les UDC ont unanimement soutenu la proposition de leurs collègues Lucas Dupré (Villargiroud) et Nicolas Kolly (Essert). Les autres groupes étaient majoritairement contre, ou totalement partagés comme le PS.

Un tiers des socialistes était favorable à la motion pour soutenir les agriculteurs. Un tiers y était opposé, «car ils estiment qu’avec la rigueur budgétaire de notre ministre des Finances, si on donne 10 millions d’un côté, on va le supprimer ailleurs, a expliqué Pierre Mauron (Riaz). Le dernier tiers s’abstiendra parce qu’il croit aux promesses et aux explications du Conseil d’État.»

Ce dernier estime, dans son message, qu’«aucune adaptation législative ni aucun décret ne sont nécessaires pour la mise en œuvre des mesures prévues». Il s’engage à verser 3 à 3,5 millions à fonds perdu pour renforcer certaines aides financières sur cinq ans.

Les Vert·e·s et alliés, par la voix de Paola Ghielmini Krayenbühl (Corpataux), se sont dits «satisfaits des explications du Conseil d’Etat pour aider ceux qui manquent de liquidités». Tout en soulignant, comme la plupart des intervenants, les difficultés d’application de l’aide supplémentaire demandée. Mais pour Lucas Dupré, «des documents légaux» existent sur les achats de fourrage, et constituent une base pour distribuer de l’aide.

Pas de politique de l’arrosoir

Pour Pierre-André Grandgirard (centre, Cugy), la motion proposée n’est pas la bonne démarche. «Que dira-t-on aux agriculteurs qui, comme moi, ont contracté une assurance contre la sécheresse? Et à ceux qui ont irrigué quatre fois leurs pommes de terre à leurs frais?» Christian Cotting (plr, Ependes), également agriculteur, a ajouté l’exemple de ceux qui ont vendu des vaches au lieu d’acheter du fourrage. «Malgré la sécheresse, nous nous opposerons à la politique de l’arrosoir.» XS

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Le canton a maintenant le droit d’aider l’hôpital à investir

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