Comme les stagiaires sont pris en compte dans le taux d’encadrement des enfants, les crèches ne peuvent se passer de ce personnel.

La Fédération des crèches et garderies a mené une étude sur le sujet et demande à l’Etat de revoir ce système.

L’association s’inquiète aussi de l’impact financier des premiers mois de l’année, encore marqués par le Covid, sur ses membres.

XAVIER SCHALLER

PETITE ENFANCE. Reconnaître les stagiaires comme du personnel surnuméraire. C’est la demande que la Fédération des crèches et garderies fribourgeoises (FCGF) adresse à l’Etat. Car dans le canton, un stagiaire, s’il est majeur, compte comme 50% d’une personne auxiliaire, à savoir une personne sans formation mais qui bénéficie déjà d’une expérience professionnelle. La problématique est connue de longue date. Elle est maintenant documentée. «Avec le soutien de l’OrTra santé social, nous avons mené une recherche à ce sujet», explique Marie Girard, secrétaire générale de la FCGF. Les directions de 37 crèches et de 24 accueils extrascolaires, dans les deux régions linguistiques, ont répondu aux questions.

«Ce qui ressort, c’est que des structures engagent les stagiaires pour des raisons financières et de ressources humaines. Alors qu’à la base, elles souhaitent toutes, vraiment toutes, pouvoir transmettre le métier et soutenir ces jeunes.» Et comme seuls les stagiaires majeurs comptent dans le taux d’encadrement, il est très difficile de trouver une place en sortant de l’école secondaire.

La FCGF appelle ainsi le Conseil d’Etat à constituer un groupe de travail, pour discuter des conclusions de ce rapport et modifier les règles du jeu. Elle est soutenue dans sa démarche par la section crèche du Syndicat des services publics (SSP), qui a également adressé une lettre au Gouvernement. «A notre connaissance, Fribourg est le seul canton romand à appliquer cette norme», indique son communiqué.

«Financièrement jouable»

«Les stagiaires ne devraient pas compter dans le taux d’encadrement, point barre, estime Laurence Defferrard, directrice adjointe de la crèche Casse-Noisettes, à Romont. Financièrement, ce n’est pas jouable.» Il est difficile de faire admettre ces coûts supplémentaires avec les directives actuelles du Service de l’enfance et de la jeunesse (SEJ).

Car pour remplacer les stagiaires par des auxiliaires, la Fédération suisse pour l’accueil de jour de l’enfant a évalué les surcoûts à 20%. «C’est pourquoi l’intervention des pouvoirs publics est nécessaire», souligne Marie Girard.

Elle précise que malgré l’augmentation de la population, les investissements en faveur de la petite enfance stagnent dans le canton. «Selon des chiffres de 2018, pour 100 francs dépensés par les communes, 1 fr. 05 y est consacré.»

Chef du SEJ, Stéphane Quéru rappelle que les directives actuelles datent de 2013. «Elles sont le résultat d’un consensus, négocié entre les différents partenaires deux ans après l’adoption de la Loi sur les structures d’accueil extra-familial de jour.» Le SEJ surveille l’application de ces normes, mais ne les fixe pas. Stéphane Quéru estime néanmoins normal que le système évolue. Même s’il n’y a pas d’agenda actuellement arrêté pour une révision. «Du moment qu’il y a des demandes déposées, elles vont être traitées. Mais c’est à la Direction de la santé et des affaires sociales (DSAS) de répondre à ces courriers. En tout cas, ce n’est pas un sujet tabou.»

Les stagiaires perdants

Ce qui péjore aussi la situation des stagiaires, c’est que les équipes éducatives n’ont pas toujours de temps à leur consacrer. Car dans le canton de Fribourg, aucun temps de travail hors présence des enfants (THPE) n’est prévu dans les horaires.

«Moi qui viens de Genève, cela m’a vraiment surpris quand j’ai ouvert ma crèche il y a cinq ans, se souvient Sarime Vial, directrice des Zoubilous, à Bulle et Enney. Ici, c’est au bon vouloir de chaque structure.» Dans sa crèche, elle a prévu du THPE pour le suivi de ses stagiaires. Laurence Defferrard aussi, mais elle constate que de tels aménagements sont particulièrement difficiles pour les petites structures. «Elles ne peuvent juste pas se le permettre, avec les calculs du SEJ.» Un autre problème est mis en lumière par l’étude de la FCGF: trop de crèches engagent bien plus de stagiaires qu’elles n’ont de places d’apprentissage à leur proposer après. «Cela peut carrément bloquer le projet professionnel d’un jeune, note Marie Girard. Car il n’a pas le droit de faire plus d’une année de stage. Et la grande majorité des crèches ne l’engageront pas s’il n’a pas effectué ce stage chez elles. Ce que nous demandons, c’est qu’il y ait un “contrôle” à ce niveau.»

Sarime Vial juge que lier le nombre de stagiaires au nombre de places d’apprentissage serait problématique: «Certains n’ont pas l’intention de commencer un CFC après. Il faut aussi penser à ceux qui viennent des écoles de culture générale et qui vont continuer leurs études.» Mais des abus, il y en a. «Quand on voit cinq stagiaires pour une seule place d’apprentissage, cela me dépasse», regrette Laurence Defferrard.

La FCGF déplore aussi qu’un manque de surveillance permette à des institutions qui ne sont pas reconnues comme formatrice d’accueillir des stagiaires. Stéphane Quéru salue plutôt le professionnalisme des crèches. «En vingt-huit ans de carrière, aucune crèche n’a dû fermer parce qu’elle ne respectait pas les règles.» Il rappelle que des contrôles non annoncés ont lieu au minimum tous les deux ans. «Avec le Covid-19 et la mise en place des plans de protection, nous les avons toutes visitées entre la fin août et la fin décembre 2020.» ■

Un début d’année extrêmement difficile

La Fédération des crèches et garderies fribourgeoises (FCGF) interpelle aussi le Gouvernement au sujet de la 5e vague de Covid-19. «Les crèches sortent clairement fragilisées de cette pandémie», indique Marie Girard, secrétaire générale de l’association. Selon un questionnaire envoyé à leurs membres, «toutes les crèches notent une baisse de la qualité de l’accueil durant le Covid et beaucoup ont des craintes sur l’impact financier lors du bouclement des comptes.» C’est pourquoi la FCGF a interpellé le Service de l’enfance et de la jeunesse (SEJ) et l’Association des communes pour qu’ils prennent en considération de possibles difficultés financières.

«En janvier, j’ai payé 50% des salaires à double», explique Sarime Vial, directrice de la crèche Les Zoubilous, à Bulle et à Enney. «Pour garantir que les quotas d’encadrement soit assurés, j’ai aussi fait des journées de douze heures.» Même écho à Romont, du côté de la crèche Casse-Noisettes: «Les deux premiers mois de l’année ont été extrêmement durs, indique la directrice adjointe Laurence Defferrard. Et nous n’avons pas eu de remboursement pour le remplacement des personnes positives au Covid. Le budget prévu pour les remplacements durant toute l’année a déjà été dépensé.» XS

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Les crèches ne devraient pas dépendre de leurs stagiaires

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