Ambitieuse, la nouvelle Loi sur la mobilité introduit des mesures pour accompagner et encourager l’évolution des transports. Mais ce sera au canton, presque seul, d’en supporter la charge financière.

XAVIER SCHALLER

MOBILITÉ. «Innovante», «ambitieuse», «durable», «écologique», «une première en Suisse». Tous les députés ont salué la nouvelle Loi sur la mobilité (LMob), qu’ils ont traitée jeudi et vendredi. Née d’une motion d’Eric Collomb (le centre, Grolley), acceptée en 2019, elle fusionne l’antique Loi sur les routes de 1967 et la Loi sur les transports de 1994. Elle a été acceptée par 93 contre 1 et 1 abstention, lors du dernier vote de la législature.

Pour l’entrée en matière, le rapporteur de la commission Hubert Dafflon (le centre, Grolley) a pointé quelques articles. «On parle d’encourager la mobilité douce, de plans de mobilité, des projets routiers à gros impacts qui auront besoin d’un plan de mesures d’accompagnement.» La LMob prévoit aussi un bonus-malus si les entreprises de transports ne respectent pas tous les points de leurs contrats de prestations, ainsi que divers encouragements: véhicules avec impact réduit, recherche innovante ou lignes de transports publics à l’essai durant cinq ans.

«La LMob considère la mobilité dans sa globalité», a expliqué Jean-François Steiert, directeur de l’Aménagement, de l’environnement et des constructions. «Nous sommes dans un monde où l’on ne peut plus distinguer entre transport ferroviaire, voitures et vélos.»

Où placer les curseurs

Durant ce très long débat – la Loi compte plus de 200 articles – les grands principes de la Loi n’ont pas été remis en cause. Sauf en ce qui concerne le réseau routier (lire encadré). Mais les députés ont déplacé certains curseurs, dont celui du financement. Dans son projet, le Conseil d’Etat voulait un équilibrage, afin que les coûts des mesures prévues par la LMob ne dépassent pas ceux générés par l’actuelle législation.

Deux mécanismes devaient permettre cela, en augmentant la charge sur les communes. D’abord une participation de 50% de ces dernières à la contribution cantonale pour les projets réalisés dans le cadre du Fonds d’infrastructure ferroviaire. Les députés ont dit non, préférant, quasiment à l’unanimité, conserver le taux actuel de 13,78%.

Le deuxième rééquilibrage financier concernait la participation communale aux indemnités d’exploitation octroyées par l’Etat au titre du trafic régional et du trafic de voyageurs d’intérêt cantonal. Au lieu des 50% que prévoyait l’Etat, le Grand Conseil l’a fixée à 45%.

Pour faire simple, le Grand Conseil a accepté presque toutes les propositions faites par la commission. «Beaucoup de points potestatifs sont devenus définitifs. Les “on veut” sont devenus “on doit”», résume Hubert Dafflon.

Jean-François Steiert s’est rallié à la plupart, mais a refusé celles qui impliquent des coûts supplémentaires pour l’Etat. Comme pour la contribution à des plates-formes multimodales ou des aides à la mobilité durable déplafonnées. Les députés ne l’ont pas entendu et ont systématiquement suivi le projet bis de la commission ou ont été encore plus loin.

Plafonner les déductions

Afin de ne pas charger trop les finances cantonales, de nouvelles recettes fiscales sont accordées à l’Etat. Par une modification de la Loi sur les impôts cantonaux directs, introduisant un plafonnement des déductions pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.

«Pas question de financer l’entier des nouvelles prestations avec ce seul levier, a souligné David Fattebert (le centre, Le Châtelard), président de l’Association des communes fribourgeoises. Mais nous n’avons aucune obligation à approuver des lois neutres en termes financiers.» Une mobilité bien pensée valant bien, selon lui, quelques millions de plus par année au budget cantonal.

Les députés ont accepté ce mécanisme, malgré l’opposition du Gouvernement. Mais sur proposition de Nicolas Bürgisser (plr, Chevrilles) et d’Eric Collomb (le centre, Lully), qui a dénoncé «une attaque frontale contre les pendulaires», le maximum déductible a passé de 8000 francs – ce qui aurait rapporté entre 7 et 8 millions – à 12 000 francs. La gauche proposait 4000 francs, soit l’équivalent d’un abonnement général CFF. «Pour une égalité de traitement avec les gens qui font l’effort de choisir les transports publics», a plaidé, sans succès, Grégoire Kubski (ps, Bulle).

La LMob instaure un fonds de sécurité du réseau de mobilité, qui sera alimenté par le prélèvement de 5% des produits des amendes d’ordre. Soit un montant annuel de quelque 400 000 francs. Elle demande aussi aux entreprises qui emploient 50 personnes à l’année d’établir des plans de mobilité.

Divers amendements, pour fixer un ordre de priorités des modes de déplacement, obliger à compenser le bilan des grands projets d’infrastructure, tenir davantage compte des piétons ou taxer les parkings, n’ont pas été soutenus. ■

Pas de cohérence du réseau

Le sujet le plus épineux du débat a été celui des routes. Afin de créer un réseau plus cohérent, il était prévu que les communes transfèrent certains secteurs au canton et vice versa. Certaines routes ont un statut cantonal alors qu’elles n’en ont plus la fonction, d’autres ont pris de l’importance. «Au niveau purement technique, les critères étaient notamment la charge de trafic, le maillage, les points de liaison intraet extracantonal», a expliqué Hubert Dafflon (le centre, Grolley). La commission qu’il a présidée a ensuite débattu politiquement de certains transferts proposés. «Trois amendements ont été acceptés, une dizaine refusés.» Chiètres a souhaité qu’une de ses routes reste communale. Dans l’autre sens, le tronçon Sorens-Grangette-Villaz-Saint-Pierre a conservé son statut cantonal.

Les députés ont salué l’énorme travail réalisé, mais la majorité n’en a pas voulu. Notamment parce que la nouvelle charge est jugée trop importante pour certaines petites communes. Dominique Butty (le centre, Vuisternens-devant-Romont) a fait passer un amendement pour que les routes cantonales actuelles restent cantonales (52 oui, 45 non, 5 abstentions). L’ajout précise aussi que le canton reprend malgré cela les routes communales comme prévu. Soit le beurre et l’argent du beurre pour certaines communes, sur le dos du canton. Le syndic d’Hauterive Dominique Zamofing (le centre) a même réussi à ajouter au lot cantonal le tronçon Chesalles-Hauterive, dont le pont doit être refait. Refusée en première lecture pour 4 voix, la proposition a été acceptée en deuxième lecture (54 oui, 42 non, 1 abstention).

Plusieurs députés ont déploré ces décisions, estimant que ces considérations «locales et électoralistes» dénaturent la loi. «L’expérience est un peigne pour un chauve», a pesté Benoît Rey (vcg, Fribourg). Cinq ans exactement après l’épisode des contournements routiers, on remet ça. «Cet amendement est celui de la paresse, a déploré Grégoire Kubski (ps, Bulle). On met tout dans le même sac et on arrose avant les élections. Si on a un copain au Parlement, on fait passer sa route.» XS

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Les députés envoient la facture de la mobilité au canton

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