Avec Signes, la chorégraphe et danseuse Fabienne Berger s’intéresse à la relation entre le plateau et les spectateurs. Cette nouvelle création est à découvrir dès mardi à Nuithonie.

ÉRIC BULLIARD

DANSE CONTEMPORAINE. Elle explique porter ce projet en elle depuis longtemps. Après Le dernier qui s’en va laisse la lumière (allumée), Fabienne Berger a ressenti le besoin de «rassembler ce qui fait sens» dans sa danse. De revenir à l’essentiel. Et de questionner la relation avec le spectateur, à travers des Signes – nom de sa nouvelle pièce, présentée la semaine prochaine à Nuithonie – «accessibles et partagés par celles et ceux qui sont en face».

«En tant que danseuse, nous passons beaucoup de temps sur le plateau, ajoute Caroline de Cornière, qui se trouvera sur scène aux côtés de Fabienne Berger. La question, ici, c’est pourquoi vivre cette expérience-là? Pourquoi vient-on encore poser nos corps face à des gens?»

Depuis toujours, la chorégraphe fribourgeoise, installée à Promasens, s’intéresse aux mouvements, aux attitudes, aux postures apparemment réalistes. Sa danse naît des vibrations du quotidien. A l’entendre, Signes accentue encore cette recherche, en portant l’attention sur le spectateur: «Nous questionnons toutes les intentions. Sommes-nous en empathie avec le public? Est-ce lisible? Cette formulation des corps est-elle suffisamment prégnante pour que le public puisse s’y identifier?»

Le travail de création a débuté en octobre 2020. «Nous parlons beaucoup, nous interprétons beaucoup, souligne Fabienne Berger. Ce n’est pas une danse écrite, mais nous parlons corps, avec des principes précis.» «Le fait d’être deux au plateau, c’est un peu comme jouer du piano à quatre mains, complète Caroline de Cordière. Il y a une conscience vive de ce que l’autre construit. Et travailler sur la disposition côte à côte crée comme une rime, un troisième sens.»

La musique partenaire

Comme toujours chez Fabienne Berger, rien n’est gratuit ni purement esthétique. Sa danse se vit comme une relation au monde, aux racines, à la terre, mais aussi à la psyché. Et, donc, aux spectateurs, invités à ressentir cette énergie dans leurs propres corps. Sans forcément qu’elle passe par l’intellect.

Particularité de cette création: elle a débuté dans le silence. «Moi qui suis passionnée de musique et qui ne travaillais jamais sans elle, j’ai découvert une autre rigueur», relève Fabienne Berger. Une plongée en soi, qui a débouché sur «une sorte de musicalité intérieure». Musicienne et artiste sonore, Malena Sardi s’est ensuite intégrée comme troisième partenaire du projet.

«Elle n’a pas construit sa musique dans son coin et ne l’a pas conçue comme un habillage.» Au contraire, elle proposera des «sons de l’espace, des couches du monde, des vibrations». La musique sera diffusée par un système sonore immersif, pour accentuer encore l’impression que «nous sommes tous dans le même bain».

Un travail d’équipe

Quant à la scénographie, elle prend la forme d’un écrin noir que les lumières de Dominique Dardant vont habiller. «J’ai une confiance absolue en son travail. Il ne va pas juste nous éclairer: la lumière permet de voir derrière la danse.»

Avec encore Jean-Nicolas Dafflon comme assistant, Fabienne Berger insiste sur le fait que si elle porte le projet, elle est entourée d’une «petite équipe intelligente, créative, disponible où tout se passe dans la complicité, l’écoute et le respect. C’est un noyau, une cellule de création qui permet de nous concentrer sur les vrais enjeux du travail.» ■

Villars-sur-Glâne, Nuithonie, 8-12 mars. Réservations: Fribourg Tourisme, 026 350 11 00, www.equilibre-nuithonie.ch

Au-delà de l’esthétique pure

Depuis sa fondation en 1985, la compagnie Fabienne Berger a marqué le paysage chorégraphique suisse par une quarantaine de créations. Et par son exigence, par la profondeur de son art, ce qui ne signifie pas hermétisme ni intellectualisme: sa danse est énergie, vibration, respiration. Née en France, Caroline de Cornière est bien placée pour porter un regard sur le travail de la chorégraphe fribourgeoise: «Je suis venue en Suisse il y a plus de 25 ans pour travailler avec elle. Ce qui m’a toujours intéressée chez elle, c’est que nous sommes ailleurs que dans les représentations où le corps est un outil de virtuosité, un instrument au service du chorégraphe pour créer du divertissement. Ici, nous sommes dans l’exigence du partage, de la rencontre. La danse devient autre chose que de l’esthétique pure, dont il est difficile de sortir: on a créé des attentes chez le spectateur, qui veut voir des beaux corps faire des choses incroyables…» EB

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