Installée sur l’ancien site de Tetra Pak à Romont, l’entreprise Kromatix développe des panneaux photovoltaïques colorés. Une technologique unique lui permettant de s’illustrer au niveau international.

VALENTIN CASTELLA

ROMONT. Dans le bureau de Rafic Hanbali, on parle fran- çais, anglais, d’offre venue d’Australie, de projets encore bien gardés, tandis que son téléphone portable ne cesse de vibrer. Longtemps vides, une partie des locaux de l’ancienne usine Tetra Pak revit, et plutôt intensément. Depuis que le directeur de l’entreprise Kromatix et ses collègues ont investi la zone industrielle de La Maillarde, un vent nouveau souffle sur Romont. Capitale du verre et du vitrail, le cheflieu pourrait également bien devenir la capitale du verre… solaire.

Kromatix développe, industrialise et vend en effet des panneaux photovoltaïques colorés que l’on peut installer sur des façades. Dix teintes, allant du gris au vert en passant par le bleu, sont disponibles. Basée depuis quelques mois en Glâne, l’entreprise, propriété de la société lausannoise SwissINSO, a commencé la production de cette nouvelle technologie il y a quelques semaines dans le district. Les locaux, immenses, sont encore passablement vides. Selon le fondateur Rafic Hanbali, le rythme devrait s’accélérer à partir du mois de septembre et environ 37 000 m2 de panneaux photovoltaïques devraient sortir de l’usine d’ici à la fin de l’année.

Kromatix pourra alors répondre à la demande, «qui s’est multipliée ces derniers mois», explique le physicien de formation. Un succès récompensant l’idée de Rafic Hanbali. «Elle m’est venue en 2011, en discutant avec des ingénieurs de l’EPFL qui avaient développé le concept du verre coloré sans peinture ni pigments, mais grâce à l’application de couches nanométriques. Je leur ai demandé s’il était possible d’y intégrer un système photovoltaïque.»

Produire localement

Les essais se sont avérés concluants et la production industrielle a été lancée en 2014. Un investissement de 25 millions de francs a été nécessaire au lancement du projet. Depuis, les panneaux Kromatix ont habillé une quarantaine de bâtiments à travers le monde, et une dizaine en Suisse. «La crise sanitaire a accéléré le processus, reprend le fondateur. Les gens se sont rendu compte que l’énergie, comme la nourriture, devait être produite localement. Et l’énergie solaire est bon marché, abondante et ne demande que peu d’entretien.»

Le Libanais en est convaincu: celle-ci peut être mieux exploitée. «En huitante-huit minutes, le soleil envoie sur la Terre le même montant énergétique qu’utilisent tous les êtres humains en un an.» Encore faut-il la capter. «Les fa- çades ne sont que peu utilisées, car les panneaux standard ne sont pas esthétiques. C’est pour cette raison que nous proposons différentes couleurs.»

Des murs créant l’énergie

Il poursuit: «Mon vœu le plus cher est que, à l’avenir, l’électricité fasse partie de l’équipement de base d’un immeuble. Que les murs créant de l’énergie deviennent quelque chose de normal. On commence à ressentir cette évolution. Certains cahiers des charges d’importants bâtiments exigent désormais du verre Kromatix. La marque commence à être prescrite.»

A l’heure actuelle, la société, qui est la seule à proposer une telle technologie, est active dans l’habillage de bâtiments d’une certaine taille et collabore avec différents gouvernements internationaux et cantonaux, dont Fribourg. Des communes montrent aussi de l’intérêt. Des collectivités publiques, mais également d’importantes entreprises privées internationales négocient avec la firme basée à Romont. «En plus de diminuer l’empreinte énergétique, ces panneaux ont un coût de revient à peu près équivalent à une façade de verre traditionnelle et passive. Il est supérieur de 100 à 150 francs par mètre carré, clés en main. Sauf que cette surface rapporte ensuite de l’argent.»

Des serres solaires

Ces panneaux colorés habillent aisément des musées, des écoles, des sièges d’entreprises et tous genres d’immeubles. L’architecture des maisons individuelles, par contre, n’offre pas toujours beaucoup de surfaces de fa- çades. Afin d’y remédier, Kromatix propose une offre spécialement conçue pour les toits. De plus, des panneaux flexibles applicables sur tous les toits seront disponibles, «probablement en 2022».

D’ici une année, la société proposera également des panneaux photovoltaïques faisant office de serres. «Ils permettront de nourrir plus efficacement les légumes et le solde d’énergie sera réutilisé.» Le scientifique indique que c’est dans la région que sera construit le premier prototype.

Enfin, le sud du canton pourrait abriter les premiers tunnels de panneaux solaires installés sur des pistes cyclables. «Ce qui permettrait aux utilisateurs d’être abrités et éclairés la nuit, et de construire des stations de recharge pour les vélos électriques, tout en ayant un ensemble qui produit une grande quantité d’énergie.» ■

Un nouveau visage cet automne

A la fin du mois d’octobre, l’ancien site de Tetra Pak, où s’est établie l’entreprise Kromatix, attirera sans doute la curiosité des passants. En effet, l’entreprise va habiller, pour un montant de 1,5 million de francs, le bâtiment de ses panneaux photovoltaïques colorés (10 000 m2 sur le toit et 800 m2 en façade). «Nous sommes prêts, confirme le CEO Rafic Hanbali. La mise à l’enquête devrait bientôt survenir.»

Cette transformation extérieure (photo ci-dessous) confirmera le développement de Kromatix dans la zone de La Maillarde. Depuis le mois de juin, la production industrielle a commencé dans les locaux. Actuellement, la capacité du site est exploitée à 20% selon le directeur, qui espère atteindre un taux de 40% d’ici la fin de l’année. Au total, 37 000 m2 de panneaux photovoltaïques seront produits à Romont en 2021. Les collaborateurs administratifs ont, eux, investi les lieux depuis une semaine.

La production retardée

Face au succès de cette technologie, l’entreprise est déjà en discussion avec le canton, propriétaire du site, pour agrandir sa surface de production. Ce nouvel espace n’est toutefois pas encore indispensable, car la crise sanitaire freine la production. En effet, le Covid retarde considérablement l’arrivée du matériel nécessaire à la fabrication des panneaux. «Ce qui ne nous permet pas de satisfaire à temps les requêtes de nos clients», se désole le fondateur.

A Romont, sept collaborateurs sont actuellement en action dans l’usine, alors que vingt-cinq autres s’activent dans les bureaux de Romont et des divers pied-à-terre administratifs situés sur différents continents. Au total, une cinquantaine de postes seront occupés d’ici deux ans. A noter que quelques employés d’Erie-Electroverre, qui a récemment fermé ses portes, devraient trouver de l’embauche auprès de Kromatix, également présente à Dubaï, au Canada et au Brésil. La société pourrait également développer un nouveau site de production en Allemagne. «Mais il est clair que Romont restera la maison mère, assure le directeur. Nous avons été très bien accueillis et soutenus par le canton. De plus, le site est bien conçu. Nous avions reçu différentes offres, d’autres cantons. Mais celle de Romont était vraiment idéale.» VAC

Du Liban à Romont

CEO de Kromatix, Rafic Hanbali est un homme d’affaires expérimenté. Né au Liban il y a 71 ans, ce père de cinq enfants au passeport français a émigré à Paris dans les années 1970 pour fonder une société active dans l’alimentaire. Au fil des années, celle-ci s’est développée et, en 2005 lorsqu’il a vendu son groupe à des Américains, quelque 30 000 collaborateurs y travaillaient dans la cinquantaine d’usines réparties dans le monde. Le citoyen de Morges, qui a élu domicile en Suisse en 1984, a également participé à l’introduction en Suisse de la marque coréenne LG, active dans l’électronique et les téléphones portables notamment.

Titulaire d’un diplôme de pilote de ligne, ce physicien de formation a également collaboré avec une société active dans l’achat et la vente de jets privés. «Voler m’a permis de constater par moi-même le changement climatique durant les années 1990, expliquet-il. Les phénomènes météo sont devenus de plus en plus rapides et violents. L’une des solutions requises pour diminuer l’empreinte de l’homme sur le phénomène du réchauffement climatique demeure sans conteste le solaire.» VAC

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De Romont, Kromatix s’en va conquérir un monde nouveau

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