La maison de la famille Grossrieder, située à Lussy, a entièrement brûlé dans la nuit de vendredi à samedi.

Christian, Corinne et leurs deux enfants logent désormais chez un membre de la famille et ont déjà reçu de nombreux dons.

Ils ont accepté de revenir sur cet événement tragique, qui a fait disparaître une partie de leur existence.

ÉLODIE FESSLER

LUSSY. Vendredi 19 novembre, la famille Grossrieder rentre chez elle à Lussy. Elle vient de passer une agréable soirée à Middes, en assistant à une pièce de théâtre. Christian et son fils Noé discutent au salon, la maman Corinne lance une lessive au sous-sol et l’aînée Emma monte dans sa chambre.

Il est près de 23 h quand leur chienne Zora, un border collie de quatre ans, se met à aboyer. «D’habitude, lorsqu’on lui ordonne de se taire, elle obéit. Comme elle continuait, on s’est dit que ce n’était pas normal, raconte Christian. J’ai alors vu à l’extérieur une flamme lécher la vitre du salon». L’avant de leur voiture est en feu, tout comme le couvert en bois, accolé à la maison. Le père de famille alerte les troupes. Il essaie de s’approcher de son véhicule de fonction pour le déplacer, mais il est surpris par la chaleur dégagée. Brûlé légèrement au visage, il renonce.

Comme sur «off»

Noé s’empresse d’aller chercher sa sœur. «J’ai pris le chat et Emma s’est chargée du chien. On est sortis en vitesse pour se réfugier dans le champ d’en face», confie l’adolescent de 12 ans. Sa sœur enchaîne: «j’étais pieds nus sur le sol givré, comme je m’apprêtais à aller au lit.» Les enfants paniquent alors en ne voyant pas tout de suite leur maman sortir de la maison. De son côté, Corinne compose le 118 pour avertir les pompiers et se met en quête de quelques affaires. «Je ne me rendais pas encore compte de la gravité de l’incendie, c’est comme si j’étais sur off. Lorsque je suis descendue au sous-sol, une fenêtre a explosé et j’ai vu les flammes monter dans les escaliers. J’ai su qu’il fallait vraiment partir.»

En état de choc, elle rejoint son mari et ses enfants. Dans la précipitation, ils sont sortis sans chaussures et sans vestes.

Problème au véhicule

Arrivés sur les lieux à 23 h 12, les pompiers du Centre de renfort de Romont constatent que la façade de la maison est en feu. «Nous avons vérifié que tous les occupants ainsi que les voisins étaient dehors et nous avons protégé les deux bâtiments d’à côté, car la charge thermique était très importante», relève Philippe Mauron, commandant du Service du feu.

Epaulés par les Corps des sapeurs-pompiers Glâne-Nord et Gibloux-Nord, ses soldats du feu circonscriront le feu au petit matin. «Une surveillance a été mise en place jusqu’à dimanche pour éviter un redémarrage de flammes.» Les vingt-trois poules de la famille ont toutes pu être sauvées. «C’est un des pompiers qui les héberge», sourit Noé.

Contacté hier, le chef de la communication de la police fribourgeoise Martial Pugin confirme qu’un problème technique au niveau du véhicule semble être à l’origine du feu.

La bâtisse en bois que les Grossrieder occupaient depuis 2005 a été entièrement détruite, emportant des souvenirs irremplaçables. Ils ont assisté impuissants à la scène, entourée d’une cinquantaine d’habitants du quartier. Ces derniers n’ont pas hésité à ôter leurs vestes pour les leur donner, d’autres ont proposé de les héberger. Les sinistrés rejoindront finalement la maison d’un membre de la famille, tard dans la nuit.

Souvenirs en fumée

Non sans douleur et avec beaucoup de courage, Christian, Corinne, Emma et Noé Grossrieder ont accepté de revenir sur ce tragique événement, attablés dans la cuisine d’une des sœurs de Christian, à Lussy. C’est ici qu’ils vivent depuis samedi. Ils ont déjà reçu de nombreux dons (lire cidessous).

«Notre famille est venue nous aider immédiatement. Nous avons un toit provisoire et reçu des affaires, c’est une chance dans notre malheur. Heureusement, personne n’a été blessé, du moins physiquement», indique Christian. Sa femme abonde: «Psychiquement par contre… Le moral est cyclique, chacun réagit différemment et à son rythme.» La chienne Zora semble aussi bouleversée que ses maîtres. «Elle ne peut plus dormir seule, sinon elle pleure, déclare Corinne en la caressant. On la prend avec nous.» Noé, le cœur lourd, essaie comme tout le monde d’aller de l’avant. «Il faut faire avec. Mais je n’arrive toujours pas à me dire que j’ai perdu douze ans de souvenirs en dix minutes.» Pour Emma aussi, «c’est toute sa vie» qui est partie en fumée.

Si Corinne avait pu sauver une seule chose, cela aurait été les boîtes à souvenirs de ses enfants. Depuis leur naissance, elle y avait glissé des souvenirs marquants, tels que les premières dents ou le bracelet de la maternité.

Un petit réconfort

La famille a pu se rendre le lendemain sur les lieux du sinistre, accompagnée d’un pompier. Parmi les décombres calcinés, quelques rares objets ont été retrouvés presque intacts, tels qu’une boîte à bijoux, un porte-monnaie, un couteau, des calepins ou encore les alliances du couple. Un petit réconfort pour la famille.

«Il y a eu le choc, mais le plus dur, c’est le parcours du combattant qui commence maintenant», affirme la maman. Elle désigne un carnet renfermant tous les interlocuteurs qu’elle doit contacter. «La moindre chose a disparu, on doit téléphoner partout.»

Ils sauront bientôt si leur maison est en dégât total. Il s’agira alors de faire un choix: reconstruire sur les fondations ou tout raser. La prochaine étape consistera à trouver rapidement un appartement à proximité. «Afin que les enfants restent dans leur cercle scolaire, explique Corinne Grossrieder. C’est plus qu’un chapitre de notre existence qu’il faut recommencer, c’est toute une vie.» ■

Touchés par l’élan de solidarité

La famille Grossrieder a déjà reçu une centaine de sacs remplis de vêtements, chaussures et autres biens. «Nous sommes très touchés et impressionnés par la solidarité des gens. Nous recevons aussi des avalanches de messages de soutien», glisse Christian. De retour à l’école, Noé et Emma ont été accueillis avec beaucoup de gentillesse par leurs camarades et professeurs. De nouvelles affaires scolaires ont pu leur être remises, tout comme leurs équipements de lutte, de badminton et de scout. Chantal Berset, la sœur aînée de Christian Grossrieder, a créé l’association Soutien incendie de Lussy. Les personnes souhaitant aider financièrement les sinistrés peuvent ainsi la contacter au 079 568 62 00. «C’est primordial de se serrer les coudes. Mon frère et ma belle-sœur ne veulent pas demander de l’argent. Mais nous leur avons fait comprendre qu’ils en auraient vraiment besoin pour ne pas être en difficulté.» Membres de la famille, amis, sociétés glânoises, habitants du village et au-delà ont déjà relayé l’appel à la solidarité sur les réseaux sociaux. EF

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«Plus qu’un chapitre, c’est toute une vie qu’il faut recommencer»

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