Dans la cour du château de Romont, Simon Berger a offert une démonstration de son art aux visiteurs du Vitrofestival. En vingt minutes, son marteau a fait apparaître dans le verre brisé un portrait de femme.

XAVIER SCHALLER

ROMONT. Il flâne dans le Vitromusée et la cour du château, papote avec les visiteurs, encore plus volontiers avec ceux qui parlent suisse alémanique. Samedi, l’artiste Simon Berger paraît totalement détendu avant sa démonstration. Annoncée pour 15 h, elle a attiré la foule au Vitrofestival.

Mieux valait être en avance pour espérer voir le Bernois à l’œuvre. Il faut dire que sa réputation est devenue internationale, depuis qu’il a immortalisé dans le verre brisé le visage de la vice-présidente des Etats-Unis Kamala Harris (lire cidessous).

Sur le couvert hexagonal, installé au milieu de la cour: des tapis usés et une plaque de verre Securit carrée, d’environ un mètre et demi de côté. A côté, les outils de l’artiste bernois, à savoir un marteau et des casques antibruit.

Dès 14 h 45, un cercle d’adultes se forme à la limite des tapis, des enfants s’agenouillent. Les remarques vont de la déférence («Je ne pensais voir Simon Berger un jour en vrai. Il est devenu très célèbre») à l’indifférence («C’est quoi ce truc? Ah! C’est le gars qui casse du verre. J’ai pas payé cinq francs pour voir ça»). De toute évidence, tous les visiteurs de ce samedi n’ont pas fait le déplacement à Romont exprès pour lui.

L’artiste et son managertraducteur arrivent, accompagnés de Valérie Sauterel, un membre du comité d’organisation. Elle dit son bonheur d’avoir un artiste aussi célèbre à Romont, fait sa présentation et déroule son CV. Elle le remercie aussi de se prêter au jeu: «D’autant qu’il a l’habitude de travailler sur un sol dur. Sur du gazon comme ici, ce sera une première pour lui.»

Brisures et fêlures

Simon Berger, traduit par son manager, fait ensuite la promotion de la minisérie de vingt œuvres qu’il a réalisée pour l’occasion et qui est en vente à la boutique du musée. Dès qu’il se met au travail, les smartphones s’enclenchent. Le sien aussi d’ailleurs, mais pour afficher le modèle à reproduire. Il frappe d’un côté, de l’autre, crée des brisures et des fêlures, alterne les côtés plat et pointu de l’outil, martèle doucement pour accentuer les contrastes. Cela paraît si simple.

Rapidement, un visage féminin émerge. Le spectacle est fascinant, même si certains cinéastes du dimanche sans gêne le gâchent un peu en s’approchant de plus en plus près.

En tout cas, Simon Berger reste imperturbable, même avec les enfants qui l’entourent maintenant. «Ça ne m’a pas du tout dérangé, explique-t-il après sa performance. J’aime bien les enfants.» Quant aux spectacteurs, il les a trouvés «très suisses» à rester à deux mètres: «Quand je fais ça aux Etats-Unis, les gens viennent beaucoup plus près.» Cool, il n’y a pas à dire. Et avec deux plaques de bois sous son verre feuilleté au lieu d’une, il n’a pas connu de problème de stabilité.

L’œuvre est terminée. Il s’est écoulé moins de vingt minutes, entre le premier et le dernier coup de marteau, pour créer ce profil. Le profil de qui, d’ailleurs? «D’une belle femme», répond laconiquement Simon Berger. Une fois encadrée, l’œuvre rejoindra la collection du Vitromusée. ■

Près de 3000 visiteurs

Ce week-end, le Vitrofestival a accueilli quelque 3000 visiteurs. «Nous sommes extrêmement satisfaits, indique Valérie Sauterel, membre du comité, à l’heure du bilan. Satisfaits de la fréquentation bien sûr, mais surtout du plaisir que les gens ont eu, tant les visiteurs que les exposants et les artistes.» Pourtant en 2019, la précédente édition avait attiré près de 5000 curieux en deux jours aussi. «Avant l’entrée était gratuite, alors qu’elle était de 5 francs cette année, et nous sommes dans une période post-Covid. On ne peut pas considérer cela comme une baisse.» Les 75 000 francs du budget devraient être couverts. Les démonstrations des artistes verriers et de Simon Berger ont été particulièrement appréciées. «Et dans l’ensemble, les artisans ont vraiment bien vendu.» XS

Des créations nées de la destruction

EXPOSITION. La nouvelle exposition du Vitromusée, inaugurée le week-end passé lors du Vitrofestival, met à l’honneur le travail de Simon Berger. Pour la toute première fois, l’artiste bernois de 46 ans présente en Suisse ses œuvres dans un cadre muséal, relève avec fierté Francine Giese, directrice de l’institution romontoise. «Nous sommes ravis de pouvoir proposer une telle exposition. Le verre dans tous ses éclats s’inscrit parfaitement dans nos missions: soutenir la création contemporaine suisse et mettre en lumière les artistes montants qui ont un écho à l’étranger.»

Menuisier de formation, Simon Berger a d’abord essayé d’exposer ses graffitis dans des galeries, avant de proposer dès 2016 son art unique. «Il est le seul à travailler de cette manière-là», souligne la commissaire de l’exposition Valérie Sauterel. Sa carrière a décollé l’an passé, avec le portrait de la vice-présidente des Etats-Unis Kamala Harris, exposé au National Mall à Washington. Autres projets d’envergure, un hommage aux victimes de l’explosion du port de Beyrouth en 2021 et la participation en début d’année à la campagne Vies brisées de la Sécurité routière fran- çaise.

«Dialogue incessant»

A Romont, pas de créations accrochées aux murs ou suspendues. Simon Berger a choisi de les exposer sur cinq colonnes disséminées dans l’une des salles du musée. Comme si ses portraits humains inédits et nés de ses coups de marteau communiquaient entre eux.

Le public est invité à participer à la conversation, en se promenant entre les tableaux de verre. Selon sa position, il perçoit parmi les débris les contours d’un nez, puis ceux d’une bouche. «Un dialogue incessant et émouvant qui change selon nos déplacements, glisse Francine Giese. Le visiteur fait aussi partie de l’œuvre pour un instant, lorsqu’il voit son visage s’y refléter.»

L’exposition propose également une immersion en vidéo dans l’atelier de l’artiste, situé dans la campagne bernoise. Une démonstration de son art qui ravira les personnes ayant manqué sa performance lors du Vitrofestival.

On y voit le Bernois marcher directement sur une plaque de verre Securit pour travailler. Il se base en général sur une photographie avec de forts contrastes qu’il consulte sur son téléphone portable. «Puis, il utilise son marteau comme le peintre manie son pinceau sur sa toile», ajoute Valérie Sauterel.

Le Vitromusée promet ainsi une exposition en interaction avec le visiteur, qui propose des créations nées de la destruction de la matière. «A travers elle, nous aimerions également montrer une autre facette de l’art du verre et attirer un public plus jeune», ponctue la directrice. EF

Romont, Vitromusée, jusqu’au 28 août, visite en présence de l’artiste le 15 mai sur inscription. www.vitromusee.ch

Réseaux

Actualités

Médias

Services

La Gruyère

Actualités

Médias

Services

La Gruyère

Un visage dans le verre brisé

Vous voulez en savoir plus ?

Les bonnes raisons de s'abonner

Dans la même rubrique

Dans la même rubrique

Dans la même rubrique

Dans la même rubrique

Dans la même rubrique

Dans la même rubrique

Derniers articles

Derniers articles

Derniers articles

Derniers articles

Derniers articles

Derniers articles