Dans l’ancienne salle du Tribunal de la Gruyère, Renato Delnon joue Matricule 889. Ce monologue évoque l’histoire vraie de Roger McGowen, innocent condamné à mort au Texas.

THÉÂTRE. Son destin paraît aussi terrible que tristement banal. Roger McGowen est enfermé depuis trentecinq ans dans une prison texane pour un crime qu’il n’a pas commis. Il a même passé vingt-cinq ans dans un «couloir de la mort». Tirée de sa correspondance avec le sociologue et écrivain Pierre Pradervand, son histoire est désormais portée au théâtre: le comédien Renato Delnon interprète ce Matricule 889 dès demain dans l’ancienne salle du Tribunal de la Gruyère, au château de Bulle.

Au départ, il y a donc ce livre, Messages de vie: un condamné à mort témoigne, paru en 2003. «Je l’ai lu il y a cinq ou six ans et j’ai tout de suite eu envie d’en faire une pièce de théâtre, dont le thème serait l’injustice en général», raconte Renato Delnon. Il rencontre Pierre Pradervand, qui lui donne carte blanche pour une adaptation. «J’ai essayé de prendre quelques citations, mais ça ne fonctionnait pas. Il y a tellement de matière qu’il fallait condenser.»

Le comédien s’adresse alors à Jean-Jacques Abel Greneau, dont il avait apprécié deux productions sur Nelson Mandela (Afrika Mandela) et les moines de Tibhirine (Et que parlent les pierres). Sous la plume de l’auteur français, Matricule 889 prend la forme d’un monologue. «Il y a des dialogues avec des voix off, précise la metteure en scène Sonia Menoud. Mais le parti pris a été de les faire interpréter par la voix de Renato. Comme si tout sortait de la tête de Roger McGowen.»

Retour dans les années 1980. Roger McGowen, Afro-Américain qui a grandi dans un ghetto de Houston, est arrêté pour meurtre. Son frère aîné lui a emprunté sa voiture et a commis un braquage qui a mal tourné. Pour le protéger, Roger avoue le crime. Procès bâclé, avocat pourri: en 1987, il est condamné à mort. Il a 24 ans.

Grâce au soutien d’amis, un autre avocat est engagé. La peine sera commuée en perpétuité. Actuellement, Roger McGowen vit toujours dans une prison de Huntsville. Pour avoir une chance de sortir avant 2036, il doit fournir les preuves scientifiques de son innocence. Son frère, lui, a été abattu par la police lors d’un autre braquage.

Eloge de la sagesse

Grâce à la scénographie et aux lumières de Marc Boyer, la salle du Tribunal devient cellule. «Mais la structure est plutôt abstraite», précise Sonia Menoud. Signée André «Awerel» Schorderet, une création sonore vient rappeler la vie carcérale.

«Dans cet univers froid et déshumanisant, il y a un message d’espoir et de réconciliation», souligne Renato Delnon. Malgré cet enfermement strict et absurde, malgré la folie qui guette, Roger McGowen a choisi de rester lui-même, avec une forme de sagesse qui force le respect. «Ce n’est pas une pièce sur la peine capitale, insiste Sonia Menoud, mais sur un homme enfermé, qui cultive la liberté à l’intérieur de soi.»
Après les neuf représentations au château de Bulle, Renato Delnon et Sonia Menoud espèrent montrer ce spectacle dans des salles et des écoles. La structure légère le permet et, surtout, la pièce rappelle que le théâtre n’a pas son pareil pour creuser des thèmes essentiels comme la liberté et le refus de la haine, malgré tout. EB

Bulle, château (ancienne salle du Tribunal de la Gruyère), du 21 au 30 septembre (sauf le 26). En semaine, 20 h, samedi-dimanche, 17 h. Réservations: www.bulledeculture.ch

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