Depuis plusieurs mois, Colette et Jean-Marc Descloux alignent les célébrations religieuses. En tribune, le couple de Maules a pour mission de remplacer les chœurs mixtes. Une pratique désormais courue dans la région qui permet d’offrir de belles liturgies aux paroissiens.

VALENTIN CASTELLA

RELIGION. «Lorsque nous étions jeunes, nous animions déjà en couple des mariages. Aujourd’hui, nous avons vieilli et nous chantons lors des enterrements.» Colette Descloux plaisante, mais elle décrit une nouvelle réalité liée à la pandémie. Celle qui oblige les membres des chœurs mixtes à ne plus chanter lors des offices religieux. Alors, pour que les célébrations restent quelque peu vivantes, plusieurs directeurs ont déposé leur baguette pour remplacer leurs chanteurs.

Aider les prêtres

Dans la région, ils sont nombreux à le faire, à l’image du couple composé de Colette et de Jean-Marc Descloux. Directeur à Gruyères et à Enney depuis plus de dix ans, le commercial retraité de 73 ans est accompagné par son épouse Colette, 71 ans. Ensemble, ils alignent les offices. Comme lors de la semaine pascale, durant laquelle ils ont enchaîné cinq messes, dont deux enterrements. «Au début de la crise sanitaire, lorsque le Conseil fédéral a annoncé qu’il n’était plus possible de chanter en groupe, l’émotion m’a submergé, se souvient le citoyen de Maules. Je me suis dit que ce n’était pas possible, qu’il fallait faire quelque chose. Au moins pour aider les prêtres, car il est difficile pour eux d’assurer seuls le rythme d’une célébration.»

En compagnie de son épouse, l’ancien directeur du chœur de Cerniat, rétribué pour son travail, a modifié son répertoire et déniché des chants à deux voix. Le tout accompagné par les organistes Edmond Caille (Estavannens) et Carole Schmidt-Joly (Gruyères). «L’objectif n’est pas de présenter un solo long de vingt minutes, mais d’accompagner la liturgie dans les meilleures conditions, en proposant de nouvelles choses, que nous ne pouvons pas présenter d’ordinaire.»

A leur domicile, Colette et Jean-Marc Descloux répètent tous les jours. «J’ai dû apprendre de nombreux morceaux sous la baguette de mon mari, sourit celle qui chante également à Enney et à Gruyères. J’ai droit à des cours privés et il est patient avec moi. Car il faut bien connaître les chants, étant donné que nous ne pouvons pas compter sur d’autres membres du chœur mixte. Avant chaque messe, je ressens un trac immense.»

Passionné, le couple marié depuis quarante-neuf ans officie environ deux fois par mois, sans compter les enterrements et les fêtes. «Le travail ne nous fait pas peur, poursuit Colette Descloux. Parfois, l’émotion nous envahit même en nous regardant lorsque nous chantons seuls sur la tribune. Et puis, je crois que notre engagement est apprécié. Par les prêtres (lire ci-dessous), mais également par les paroissiens.»

Apporter du bonheur

Son mari complète: «Certains nous félicitent au sortir de l’église, d’autres nous remercient. Cela fait toujours plaisir, mais ce que nous faisons n’est pas un exploit. C’est normal d’apporter un peu de bonheur aux gens, d’autant plus durant cette période délicate.»

C’est notamment au terme des enterrements que le couple reçoit de nombreux remerciements. «En raison des restrictions sanitaires, peu de monde peut assister à ces cérémonies, raconte Jean-Marc Descloux. C’est très dur pour les familles, qui peuvent se sentir isolées. A notre manière, nous essayons de les soutenir en leur proposant de beaux chants.»

Ces derniers ne remplaceront toutefois jamais les prestations des chœurs mixtes, assure le Gruérien. «L’émotion n’est pas la même. Une harmonie à quatre voix est plus belle. Par exemple, nous ne parvenons pas à deux à chanter un alléluia flamboyant comme les paroissiens ont l’habitude d’entendre. C’est pour cette raison que nous nous réjouissons de retrouver des conditions normales.» Personne ne sait quand les chanteurs pourront à nouveau se retrouver tous ensemble dans les tribunes. Une incertitude qui inquiète Jean-Marc Descloux. «Je ressens une certaine crainte, car je ne suis pas certain que tout le monde va revenir. Je pense notamment aux plus anciens, qui n’ont pas rechanté depuis plus d’une année.»

Le virtuel ne convainc pas

Comme d’autres directeurs, le citoyen de Maules a essayé d’organiser des répétitions virtuelles. Sans succès. «Certains ne possèdent pas le matériel informatique nécessaire. Et puis, les membres de chœur mixte se rassemblent pour chanter, bien sûr, mais également pour se retrouver chaque semaine en compagnie d’amis. C’est ce contact qui manque le plus. J’espère que tout le monde reviendra avec une motivation décuplée, afin que nous puissions à nouveau ressentir ces émotions disparues depuis plus d’une année maintenant.» ■

«Combler un vide»

Doyen de la Gruyère et curé modérateur de l’Unité pastorale Notre-Dame de l’Evi, Claude Deschenaux côtoie très souvent le couple Descloux depuis le début de la crise sanitaire. «Des gens extraordinaires, toujours présents et heureux de chanter.» Les curés de la région peuvent également compter sur d’autres personnes. «Nous avons de la chance, poursuit Claude Deschenaux. Une soliste professionnelle officie à Grandvillard, une famille chante à Albeuve et un soliste se trouve sur la tribune de Charmey. Et ce ne sont pas les seuls.»

Pour les curés, et notamment Claude Deschenaux, ces chanteurs sont importants. «Ils nous permettent de proposer de belles liturgies malgré les circonstances. Et puis, ils apportent un peu de réconfort lors des enterrements. Les personnes décédées ont au moins le droit à une belle messe. Sans oublier les jeunes qui reçoivent leur première communion par exemple. Sans eux, les célébrations seraient bien trop plates. Leur engagement permet de combler un vide laissé par les chorales, qui nous manquent.» VAC

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