Les grandes lignes du rapport Fusion 25, sur la faisabilité d’une commune unique en Gruyère, ont été présentées hier. L’objectif est de faire évoluer la gouvernance locale, afin de retrouver davantage d’autonomie communale sans sacrifier la proximité.

XAVIER SCHALLER

GOUVERNANCE. Après deux mandats de préfet, Patrice Brocard pose un constat sans concession: «Le modèle communal issu du XIXe siècle a atteint ses limites. L’autonomie communale telle que pratiquée aujourd’hui est un leurre, une coquille vide.» Pour que les élus puissent véritablement assumer leurs responsabilités et décider de la plus grande partie de leur budget, un autre mode de gouvernance est nécessaire.

«C’est ce qui a motivé le projet Fusion 25» et ce qui a incité l’ARG à y investir 200 000 francs. Hier, avec son successeur Vincent Bosson et trois représentants du bureau BDO SA, il a présenté les grandes lignes du rapport de l’étude sur la faisabilité d’une commune unique en Gruyère.

Soumises à des exigences toujours croissantes, les autorités communales peinent à assurer seules les tâches qui leur sont confiées. Elles ont donc mis en place, depuis plusieurs décennies, des mécanismes de collaboration. «Les vingt-cinq communes de la Gruyère ne fournissent plus qu’un quart des prestations, détaille Yvan Haymoz, de BDO SA. Tout le reste est réalisé au travers d’une septantaine d’associations de communes.»

Or, ces institutions ont leurs propres règles de gouvernance. «Cela a mené à une fragmentation politique, à une perte de visibilité des processus de décision», déplore le préfet. Des réformes sont donc indispensables à ses yeux. Une seule commune au lieu de vingt-cinq, avec une organisation et une gouvernance moderne permettrait d’inverser la tendance et de réaliser les trois quarts des prestations, tout en conservant l’indispensable proximité avec les administrés.

«La mission principale n’évolue pas, Yvan Haymoz. Elle est de préserver la qualité de vie des citoyens, en offrant les prestations qui sont nécessaires en fonction du besoin local. C’est pour cela qu’elles disposent d’une certaine autonomie. Par contre, la façon de mettre en œuvre cette mission évolue.»

Concrètement, le rapport propose un Conseil communal de neuf élus et un conseil général de 80 à 100 membres. Sept arrondissements administratifs seraient en outre instaurés, correspondant aux régions ARG actuelles (Centre, Intyamon, La Jogne, Rive gauche, Rive droite et la Sionge) et la ville de Bulle. «Ces arrondissements feraient aussi office de cercles électoraux», indique Denis Boivin, de BDO SA. La commune fusionnée constituerait également un cercle électoral superposé. La loi fribourgeoise prévoit cela en cas de fusion, mais seulement de manière transitoire. Il faudrait donc la modifier, ce qui n’inquiète pas plus que cela le futur préfet Vincent Bosson: «La Suisse a été à deux doigts de changer sa Constitution pour des vaches à cornes. Une commune unique en Gruyère vaut bien la modification d’une loi cantonale.»

Commissions locales

Au niveau local, des commissions d’arrondissement sont proposées. «Elles seraient composées de trois à cinq membres, soit 21 ou 35 personnes qui siégeraient également à ce titre au Conseil général», précise Denis Boivin, de BDO SA. Ils serviraient de relais dans les régions et la commune pourrait même leur déléguer certaines tâches, avec une enveloppe budgétaire. «L’idée est que les sous-régions gardent des structures et des infrastructures, avec le souci de la bonne mission au bon endroit», indique Patrice Borcard (lire encadré). Mais, contrairement à d’autres projets, on ne rajoute pas un niveau supplémentaire entre la commune et le canton.

Consultation cet automne

«A partir de maintenant, il y a deux objectifs principaux, annonce son successeur. Il faut impérativement poursuivre la réflexion et engager un véritable débat démocratique sur le sujet.» Patrice Borcard estime que tout est en place pour que ce dernier soit fructueux: «Nous avons la chance de ne pas avoir de contraintes, puisqu’il n’y a pas de projet de fusion. Cela nous libère de toute la tension, de toute la pression, de toute la sensibilité propre aux processus réels de fusion. Là, on parle de principes, on parle d’organisation générale, on parle perspectives à long terme.»

Le rapport a été transmis au comité de pilotage. Dans un deuxième temps, ce printemps, les vingt-cinq communes gruériennes seront consultées. «Des adaptations et des corrections seront ensuite faites, avant de commencer le débat public, à l’automne 2022», indique Vincent Bosson. La dernière étape sera celle de la consultation populaire. «Sous forme de sondage ou de votation consultative, tout est ouvert.» ■

«La réflexion vient d’en bas»

Avant de définir un modèle de gouvernance, toutes les tâches communales ont été passées en revue pour le projet Fusion 25. «Nous avons déterminé lesquelles doivent être maintenues au niveau local et lesquelles remontent au niveau “régional” d’une commune fusionnée», explique Yvan Haymoz, du bureau BDO SA. Pour les contrôles des habitants par exemple, la gestion peut être centralisée, avec des guichets délocalisés pour l’exécution. Autre exemple: les écoles. «L’organisation de l’année scolaire et les règlements peuvent être gérés à un niveau global, mais l’accueil extrascolaire resterait local.» Et ainsi de suite, pour une centaine de domaines. Et le «nous» inclut une grande partie des élus communaux. «C’est une nouvelle forme de fusion, avec une réflexion qui vient d’en bas, souligne le futur préfet de la Gruyère Vincent Bosson. Durant ces cinq ans de travaux intenses, la quasitotalité des élus communaux ont participé.» Soit en répondant à des questionnaires, soit en participants aux divers groupes de travail. XS

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