A Vaulruz, Laure Schaller a rejoint Jennifer Renevey à la tête du jeune atelier d’architecture Kigumi. Leur bureau se développe surtout sur deux axes: la serre comme espace habitable écologique et une gestion 100% féminine. Rencontre avec ces deux néo-Gruériennes dont la complémentarité est un atout.

VALENTIN THIÉRY

VAULRUZ. La maquette de leur projet à Suchy (Vaud) trône sur une armoire à l’entrée de leur bureau vaulruzien. Sur les murs, les plans de cette maison villageoise que Laure Schaller et Jennifer Renevey rénovent. Les architectes de l’atelier Kigumi vont notamment y adosser une serre comme espace habitable, sur deux étages, en remplacement d’une pièce plutôt froide et moins lumineuse. Récemment associées au sein de ce jeune cabinet, elles pourraient bientôt commencer un deuxième chantier d’après ce même concept qu’elles apprécient particulièrement.

Ce concept, c’est une surface vitrée maintenue par une structure métallique et jointe à la façade d’une villa, d’une cabane de jardin ou encore au balcon d’un immeuble. On n’y cultive pas forcément de légumes et elle n’est pas isolée. On y vit et on l’aménage au gré des saisons et de ses envies. «D’habitude, on utilise la serre comme agrandissement de la salle de séjour, entame Laure Schaller, 38 ans. C’est une sorte de zone tampon entre l’intérieur et l’extérieur. Un lieu improbable qui éveille l’imaginaire.»

Ces compositions peinent à se répandre dans le milieu. Le principe est pourtant simple, son montage aisé et il s’adapte à tous les budgets. «Avec cette serre, plus besoin d’être riche pour avoir plus d’espace de vie», commente Laure Schaller.

Chauffage passif

En hiver, les rayons du soleil sur le verre vont réchauffer la pièce, puis transmettre la chaleur au reste du bâtiment par l’ouverture des baies du mur mitoyen. «C’est un moyen de chauffage passif. En été, il suffit d’ouvrir le système de ventilation naturelle. Il ne fera pas plus chaud dedans que dehors», résume Jennifer Renevey, 35 ans. «Les matériaux jouent un rôle d’amortisseurs de températures», appuient-elles.

Un procédé écologique, à bas coûts, qui génère des volumes inédits et augmente la luminosité: les citoyennes de Vaulruz veulent «construire plus léger pour habiter plus, pour vivre avec le climat, et non s’en protéger.»

Participer au débat

Dans un autre registre, les Gruériennes d’adoption croient beaucoup au versant 100% féminin de Kigumi. «Aux séances de chantier, c’est extrêmement rare que les dames se présentent», raconte Jennifer Renevey, étayée par sa consœur. «Quand un couple souhaite construire, l’homme est souvent en contact avec l’architecte. Si deux femmes se chargent d’un projet, c’est plus facile pour notre interlocutrice de prendre part au débat. Selon nous, elle se sent mieux comprise.»

Pour elles, travailler avec des architectes féminines engendre «très peu de rapports de force avec les entreprises et l’atmosphère de collaboration est généralement joviale.» Le duo dit aussi amener une certaine sensibilité. Le choix des couleurs, des matières et des revêtements est enfin un aspect primordial pour celles qui ont un intérêt marqué pour la rénovation des intérieurs. Elles s’en occupent d’ailleurs également à Suchy. ■

Association de compétences

Quelques discussions ont convaincu Laure Schaller et Jennifer Renevey de se lancer dans la même aventure professionnelle. La Châteloise et la Broyarde d’origine ont désormais leur bureau et leur domicile à Vaulruz. «Je restais sur l’immense réalisation du nouveau Théâtre de Carouge, à Genève, débute Laure Schaller. J’avais envie de participer à des projets à échelle humaine qu’on suit dans leur globalité». Et Jennifer Renevey de poursuivre. «J’étais à mon compte depuis dix ans. J’en avais marre d’être seule. Ça fait du bien de découvrir d’autres approches et idées.»

L’imagination d’une artiste, scénographe et architecte greffée à celle d’une analyste historique, spécialiste en rénovation de patrimoine, architecte et architecte d’intérieur, ça élargit forcément le champ des possibles. La première apprécie la texture et l’odeur des matériaux bruts comme la pierre ou le bois. La seconde aime mélanger le moderne et le très vieux. «Notre manière de travailler est différente, mais se répartir les tâches est facile. Nous sommes vraiment complémentaires. Je représente plus le côté technique et le chantier. Laure, l’artistique et l’expérimental.» Ce que confirme l’aînée. «Dans notre métier, tester des choses encore peu exécutées me fait vibrer. Ça vient de ma formation des Beaux-Arts.»

Et cela vaut également pour leur personnalité. Laure Schaller se décrit comme plutôt douce tandis que sa collègue a un fort caractère.

Méthode japonaise

A la lumière de ces explications, le nom de leur atelier prend tout son sens. Kigumi est considéré comme l’une des méthodes originelles d’assemblage du bois par emboîtement et sans artifice. Elle est japonaise et à la base de la résistance des bâtiments lors de séismes. «Notre association de compétences peut être comparée à ce procédé simple, intemporel et solide», concluent-elles. VT

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«Construire pour vivre avec le climat, et non s’en protéger»

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