Juridiquement, la commune de Morlon n’est pas tenue d’organiser une assemblée extraordinaire consacrée au projet Goya Onda.

«Satisfait», le syndic estime que cette décision rendue par la préfecture conforte la position défendue par la commune ces derniers mois.

En revanche, l’association La 1638 se dit «déçue». Elle étudiera ces jours prochains s’il y a lieu de recourir auprès du Tribunal cantonal.

FRANÇOIS PHARISA

MORLON. Jeudi 19 mai prochain, dans l’aula du CO de Riaz, affluence oblige, se tiendra l’assemblée communale de Morlon. Une assemblée ordinaire, celle des comptes, comme chaque printemps. Tout ce qu’il y a de plus habituel. Si ce n’est que le dossier Goya Onda prolongera certainement la soirée, comme cela avait été le cas en décembre dernier. Car, pour l’heure, aucune assemblée extraordinaire consacrée exclusivement au projet de bassin à vagues artificielles prévu aux Laviaux n’est agendée. Malgré la pression populaire, la commune l’a toujours refusée. Jeudi, la préfecture lui a donné raison.

Elle rejette ainsi le recours qu’avait déposé, le 15 septembre 2021, l’association citoyenne La 1638. Pour Vincent Bosson, préfet, les conditions requises pour la convocation d’une assemblée communale extraordinaire ne sont pas remplies. S’il estime que la «proportion minimale de citoyens actifs favorables à la tenue d’une telle assemblée n’est pas contestée», il réfute le fait que «le projet Goya Onda fasse partie des attributions de l’assemblée communale».

Pour motiver sa décision, le préfet s’appuie notamment sur l’article 10a de la Loi sur les communes, qui liste les domaines de compétences du Législatif communal. Ainsi celui-ci peut-il, entre autres, «décider du changement de nom de la commune», «adopter les règlements de portée générale» ou encore «surveiller l’administration de la commune». En revanche, explique Vincent Bosson, «un projet de construction ou un changement en matière d’aménagement local relèvent de la compétence de l’Exécutif et non de l’assemblée communale».

Dans son argumentaire, le préfet indique par ailleurs «qu’on ne saurait pas en quoi un vote consultatif aurait une influence en l’espèce, le projet litigieux n’ayant – pour l’heure – pas encore fait l’objet d’une procédure de permis de construire». Il ajoute que «si tant est que ce projet aboutisse – ce qui n’est pas encore certain – les citoyens auront de toute manière la possibilité de faire valoir leurs droits et leurs intérêts notamment dans le cadre de la procédure d’enquête publique, comme il en va de toute procédure de permis de construire».

Ainsi, au vu de ce qui précède, le préfet «refuse de s’immiscer dans l’activité de la commune et renonce par conséquent à ordonner une assemblée communale extraordinaire». L’Exécutif de Morlon «n’a donc pas violé la loi, ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de convoquer» cette assemblée.

«Nous assumons»

Contacté hier, Pascal Lauber se montre «satisfait» par la décision de la préfecture. «Elle confirme notre position juridique que nous défendons depuis le début», réagit le syndic.

Certes, juridiquement, la commune a eu raison. Mais politiquement? «Cela ressort de l’appréciation de chacun. En ce qui nous concerne, nous avons toujours gardé notre ligne, au plus près de notre conscience, et l’avons assumée publiquement, faisant fi des attaques, même personnelles», souligne Pascal Lauber.

Travail de la commission

Le syndic rappelle par ailleurs que la modification partielle du Plan d’aménagement local de Morlon – une modification de la parcelle des Laviaux, nécessaire au projet Goya Onda – est actuellement en train d’être analysée par la commission d’aménagement de la commune. Formée de deux conseillers communaux et de cinq citoyens, dont des membres de La 1638, celle-ci transmettra, une fois son travail terminé, ses remarques au Conseil communal.

«Nous en tiendrons compte pour rédiger notre préavis, qui comportera également un volet dédié au projet de construction», assure Pascal Lauber. Le dossier sera alors envoyé à la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l’environnement, qui le fera circuler dans ses différents services. Il reviendra ensuite aux promoteurs de le retravailler avant une potentielle mise à l’enquête publique. ■

«Nos plans et études seront bientôt dévoilés»

De leur côté, les promoteurs du projet Goya Onda «finalisent actuellement une campagne de communication». «Nous sommes à bout touchant. D’ici quelques semaines, nous pourrons communiquer plus largement sur les plans concrets du projet et sur les différentes études environnementales, d’aménagement et de mobilité qui ont été menées. Nous jouerons à fond la carte de la transparence», assure Flurin Mathieu. Ces documents seront mis en lecture publique. «Les gens pourront s’inscrire et venir les découvrir aux Laviaux», promet le cofondateur de Goya Onda, espérant ainsi «désamorcer les craintes». FP

«Une application rigoriste»

RÉACTION. Forcément, la décision rendue jeudi par la préfecture de la Gruyère n’enchante guère La 1638. Joint hier, Alain Publioz se dit «déçu». L’association portera-t-elle l’affaire devant le Tribunal cantonal? Réponse de son président: «Nous allons désormais décrypter la décision de la préfecture de manière complète et nous donner le temps de la réflexion. Mais nous sommes une association et nos ressources sont limitées.»

Me Adrien de Steiger, avocat de La 1638, «n’exclut pas» un nouveau recours. «Nous devons d’abord analyser en détail les arguments avancés par le préfet. Il semblerait toutefois qu’il ait opté pour une application rigoriste de l’article 10a de la Loi sur les communes. Or, dans la pratique, cet article peut faire l’objet d’une interprétation plus souple. A l’image de ce qui a été fait à Sorens ou dans d’autres communes en rapport avec le dossier éolien, qui ont organisé des séances d’information et des votes consultatifs dans le but de prendre le pouls de leur population.»

L’avocat fribourgeois se dit également «surpris par le timing» de cette décision de la préfecture. «Pourquoi seulement maintenant, presque huit mois après le dépôt de notre recours et deux semaines avant la prochaine assemblée ordinaire?» s’interroge Me de Steiger, qui regrette ces mois d’attente. «Pendant ce temps, les promoteurs avancent…» FP

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