Le Bullois de 55 ans, accusé de meurtre pour avoir tué son épouse en la secouant en 2019 lors d’une dispute, comparait depuis mardi.

FÉMINICIDE. Le Tribunal pénal de la Gruyère a auditionné mardi les témoins, dans l’affaire du féminicide de Bulle de 2019 (La Gruyère de mardi). Dans la salle Covid de Granges-Paccot, les juges ont d’abord auditionné Tony Fracasso, du Centre universitaire romand de médecine légale de Lausanne et Genève.

Les hématomes constatés sur la victime montrent «des coups plutôt intenses», selon lui. «Mais on ne peut pas expliquer les décès autrement que par les secousses.» Expert dans le syndrome du bébé secoué, il a expliqué que c’est le premier cas avéré qu’il rencontre d’un adulte mort ainsi. «Au niveau de la littérature médicale, seule une quinzaine de cas sont référencés, ce qui est extrêmement peu.»

Malgré la teneur en éthanol dans le sang, 2,55‰, le décès ne peut s’expliquer par une intoxication à l’alcool. «Pas pour quelqu’un qui a l’habitude.» Par contre, cette alcoolisation a affaibli la capacité de défense de la victime et a diminué son tonus musculaire au niveau du cou. «C’est pourquoi il y a si peu de cas de syndrome de l’adulte secoué: en pleine possession de ses moyens, un adulte va contracter les muscles et s’opposer au mouvement du cou.»

Dans le cas précis, vu les lésions, le menton a presque touché le sternum et la partie postérieure de la tête a presque touché le dos. Les deux yeux ont aussi «saigné dramatiquement, au même moment, au niveau de toute la structure». Ce qu’une chute ou un choc à la tête ne pourraient expliquer.

La présidente Camille Perroud Sugnaux a demandé à l’expert si l’accusé «pouvait raisonnablement imaginer» que son épouse décède à la suite de secousses. L’avocat de la défense est aussi revenu sur la question. «Je ne pense pas qu’il soit possible qu’un non-spécialiste connaisse ce syndrome, a répondu Tony Fracasso. Si ce n’est par analogie avec le syndrome du bébé secoué, qui n’est pas très connu non plus, soyons clairs.»

Pas de souvenirs

L’accusé a écouté, voûté sur sa chaise, les mains jointes entre les jambes. Il a ensuite répondu aux questions d’une voix monocorde, où perçait parfois l’émotion. Notamment quand il a exprimé ses remords: «Je regrette tout ce qui s’est passé. Elle me manque.»

Il n’a pas contesté les conclusions médico-légales: «J’ai lu ce que les médecins ont écrit et je ne peux pas nier ces faits-là. Mais je ne me reconnais pas dans cette violence.» Car il a affirmé n’avoir jamais levé la main sur son épouse, à l’appartement ou à l’extérieur, et n’avoir aucun souvenir de l’avoir secoué ou frappé le soir du drame. Pas contre, il a décrit précisément comment, dans leur chambre, il lui a arraché le couteau avec lequel elle l’aurait menacé. «Je me suis défendu, je n’ai pas agressé.»

L’accusé a aussi prétendu que son épouse était consciente, debout devant le lit, quand il est retourné au salon. L’expert Tony Fracasso ne pense pas cela «concevable», car les secousses ont dû provoquer l’inconscience et une mort rapide. «Pour les bébés, 5% décèdent pendant les secousses ou juste après.» Et ce n’est pas le nombre de secousses, mais leur intensité qui compte.

La défense a voulu savoir si, dans les autres cas d’homicides survenant à la suite de disputes conjugales traités par l’expert, les auteurs utilisent généralement un objet ou une arme. «J’en ai suivi plusieurs. Certaines fois on a tué avec des armes blanches, des armes à feu ou même une casserole, mais d’autres fois, on a tué avec des strangulations ou des coups de pied et de poing. Avec un seul homme parmi les victimes.»

XAVIER SCHALLER

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Le rapport médical n’est pas contesté

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