Un lecteur a repéré plusieurs séquoias géants dans la région et s’interroge sur la présence de ces conifères d’origine américaine. Il s’inquiète aussi de la santé de celui qui se dresse fièrement au bout de la rue de Vevey, à Bulle.

XAVIER SCHALLER

SÉQUOIA. Un lecteur s’interroge sur la présence de séquoias géants qu’il a vus en Gruyère. En fait, l’Europe est truffée de ces arbres, du Portugal à la Finlande, et de l’Irlande à la Roumanie – de nombreux sites internet les répertorient. Rien qu’au bout du lac Léman, Patrimoine vert Genève en recense 682.

Repéré lors de l’exploration des montagnes de la Sierra Nevada et identifié officiellement en 1852, le sequoiadendron giganteum a rapidement conquis l’Europe. Des semences sont importées dès l’année suivante et plantées un peu partout: dans les jardins publics ou botaniques, dans les parcs des demeures et manoirs de la Belle Epoque, à proximité des lieux de pouvoir. Leur présence imposante et leur croissance rapide ont fait de ces conifères un ornement de choix.

Agés aujourd’hui de 100 à 150 ans, les grands spécimens européens peuvent atteindre des hauteurs allant jusqu’à 50 mètres et des circonférences autour de dix mètres. A Vuisternens-devant-Romont, celui qui a été planté vers 1890 près du château – l’actuelle administration communale – atteint aujourd’hui 8,50 m de circonférence.

De grands enfants

Mais les séquoias européens restent des enfants, puisque ces arbres peuvent vivre près de trois millénaires (lire ci-contre). Ils vont donc continuer leur croissance, tant que leur environnement le leur permettra. «Le chaud à venir ne devrait pas trop leur faire de mal, estime Yann Fragnière, collaborateur scientifique au Jardin botanique de Fribourg – lequel possède d’ailleurs un séquoia géant. Mais ils ne supportent pas trop les sécheresses.»

Pour alimenter de tels arbres, il faut de l’eau en quantité, comme dans leur forêt de la Sierra Nevada. «Chez nous, leur santé pour les prochaines années dépendra beaucoup du sol où ils ont été plantés.» Dans sa question, le lecteur parle, lui, de trois spécimens gruériens, situés à l’orée de la forêt de Bouleyres, au-dessus de Montbarry et au bout de la rue de Vevey, à Bulle. Il s’inquiète de la santé de ce dernier. L’arbre de la rue de Vevey n’appartient pas à la ville, mais à Gratisa SA. «Je ne suis pas un spécialiste, mais cet arbre est contrôlé chaque année par un paysagiste et il est taillé quand cela est nécessaire», indique Philippe Micheloud, administrateur de la société.

La parcelle et le bâtiment ont été achetés il y a une dizaine d’années. «Avant, c’était là qu’étaient installés les Services industriels de la ville de Bulle.» Autant dire que l’arbre était déjà grand et que la transaction s’est faite en connaissance de cause. «Ce séquoia est protégé et nous y tenons, même si ce n’est pas simple pour les constructions. Nous avons aussi eu, une fois ou l’autre, quelques soucis avec des branches, à la suite de vents violents.»

Essence exotique

Les séquoias ne sont pas protégés en soi, rappelle Yann Fragnière, collaborateur scientifique au Jardin botanique de Fribourg. «Ce sont des essences exotiques. Ils ne font pas partie de notre patrimoine naturel. Toutefois, les beaux individus méritent une protection en tant que vieux arbres et “monuments naturels”.» Ils peuvent aussi être protégés s’ils sont inscrits sur les Plans d’affectation des zones (PAZ) des communes, comme à Bulle, ou s’ils sont isolés hors zone à bâtir. Le séquoia de Bouleyres est répertorié sur le portail cartographique du canton, parmi les arbres spectaculaires – ce classement qui ne tient compte que des individus situés en dehors des zones constructibles. Sa fiche annonce une hauteur de 43 m et un diamètre de 1,5 m. Mais que fait-il là?

«Vers le Coude, il y en a deux en fait. On les voit bien de loin, indique Amédé Andrey, responsable du triage forestier de Bouleyres. C’est parce que la pépinière de l’Etat était installée là, avant d’être déplacée à côté de la cabane de Bouleyres, puis abandonnée vers la fin des années 1970. Des essences sont restées.» ■

Le boss, c’est General Sherman

Des fossiles de séquoias, âgés de 200 millions d’années pour les plus anciens, ont été retrouvés sur plusieurs continents. Ce n’est que lors des grandes glaciations du quaternaire que cette essence a disparu d’Europe et est restée confinée en Californie. Le nom de séquoia rend hommage à un indien Cherokee de sang-mêlé, Sequoyah. Il est connu pour avoir inventé, au XIXe siècle, un alphabet afin de retranscrire la langue de sa tribu.

De nos jours, les séquoias géants ne poussent plus à l’état naturel que dans 75 forêts réparties sur les versants occidentaux de la Sierra Nevada californienne. Il apprécie les climats humides, avec des étés chauds et de la neige en hiver. Mais même s’il s’acclimate bien depuis qu’il a été réintroduit en Europe, dès le milieu du XIXe siècle, le séquoia géant ne s’est jamais reproduit en dehors de son aire géographique naturelle.

Dès leur découverte, les forêts de séquoias ont été intensivement exploitées. Si bien que l’idée de réserves naturelles a émergé rapidement. Agé de quelque 2200 ans, le séquoia géant General Sherman vit dans l’une d’elles: la forêt des géants du Parc national de Sequoia, en Californie, créé en 1890. Cet arbre est considéré comme l’organisme vivant le plus imposant au monde, avec un tronc d’un volume de 1487 m³ pour un poids de 1200 tonnes. Il mesure 83,8 m de haut pour 31,1 m de circonférence. Mais c’est son cousin Hyperion, de la famille des séquoias toujours verts (sequoia sempervirens), qui détient le record de taille, du haut de ses 115 m. XS

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