Inquiets par le projet de vague artificielle envisagé à la pointe de Morlon, une centaine de citoyens ont créé, jeudi soir, «la 1638», une association de défense des intérêts villageois.

Objectif, «provoquer un débat démocratique» autour de ce projet porté par Goya Onda SA et «influencer la prise de position» des autorités.

Les représentants de Goya Onda et le syndic Pascal Lauber réagissent.

FRANÇOIS PHARISA

LAC DE LA GRUYÈRE. Jeudi soir aux Halles à Bulle, ils étaient 81 à s’être déplacés pour la constitution de «la 1638», la nouvelle association citoyenne de Morlon. En comptant les excusés du jour, celle-ci compte déjà 121 membres. Lors de la dernière votation, 456 citoyens étaient inscrits. «Une récolte d’adhérents réalisée en trois semaines seulement, en période estivale qui plus est… C’est un très bon début!» se félicite Alain Publioz, président de l’association. Nous l’avons rencontré hier matin, au Gruyérien, à Morlon. Il est venu accompagné d’Alexandre Perona, Jean-Claude Gobet et Adrian Schwizer, eux aussi membres du comité. Ils précisent s’exprimer au nom des membres de la nouvelle association.

Pour tous les quatre, la situation est inédite. Jamais auparavant ils ne s’étaient ainsi mobilisés. C’est qu’il y aurait péril en la demeure, «le caractère paisible et authentique du village» est menacé, assurentils. La faute au projet de vague artificielle en bordure de la presqu’île, ses dizaines de milliers de visiteurs attendus et son lot de potentielles nuisances en matière d’accès, de bruit et d’écologie (La Gruyère du samedi 24 juillet).

«En nous installant à Morlon, nous cherchions le calme. Ce rêve d’habiter un coin tranquille risque d’être brisé par le projet Goya Onda», souligne Adrian Schwizer, habitant du quartier de Clos Derrey.

L’Exécutif visé

Selon ces citoyens, ce projet «pharaonique» serait déjà «bien entamé» et les informations reçues jusque-là bien «insuffisantes». «Ce projet est inscrit au Plan directeur cantonal et au Plan directeur régional. On en parle depuis plusieurs années, mais, à ce jour, nous n’avons pas obtenu la moindre information de la part des autorités communale et cantonale», se désole Alexandre Perona. «Et notre demande d’assemblée extraordinaire visant à en débattre est, pour l’heure, restée lettre morte», regrette Jean-Claude Gobet, autre résident du Clos Derrey. Un supposé manque d’information dont le syndic, Pascal Lauber, se défend (lire ci-dessous).

En se constituant en association, ces Morlonais entendent «provoquer le débat» et «influencer les futures prises de position» des autorités. En particulier celle que la commune prendra d’ici quelques mois au moment de l’enquête préalable. «Nous voudrions également qu’une éventuelle modification du Règlement communal d’urbanisme pour les besoins du projet soit discutée en assemblée communale», complète Alain Publioz, habitant du quartier Bellevue. Ces objectifs ont été avalisés par l’assemblée jeudi.

Tout le district concerné

La 1638 entend aussi alerter au-delà du territoire communal. «Nous allons demander aux candidats à la préfecture qu’ils se positionnent. L’entier du district sera impacté par ce projet», relève Alain Publioz. Et Alexandre Perona d’ajouter: «Si vous demandez aux gens ne vivant pas dans le district, ils vous diront systématiquement que la Gruyère, c’est le Moléson, le fromage et le lac. Ce dernier fait partie des paysages reconnus d’importance cantonale. Ce n’est pas anodin.»

Pour autant, tous reconnaissent de bons points au projet Goya Onda: l’hôtel et l’équipement en WC et en douches de la presqu’île notamment. «Mais un bassin à vagues n’a rien à faire là. A Bulle, dans une zone industrielle, pourquoi pas, mais pas sur le lac», lance Adrian Schwizer. ■

Plusieurs citoyens refoulés

GOYA ONDA. Tous les citoyens ne sont pas les bienvenus au sein de la nouvelle association «la 1638». Le propriétaire de la buvette des Laviaux et fondateur de Goya Onda SA, Flurin Mathieu, n’a ainsi pas été admis. Pas plus que les parents d’Arnaud Dorthe, cofondateur de Goya Onda, eux aussi pourtant habitants du village. Ils ont reçu mardi un courrier leur proposant «de renoncer temporairement à leur adhésion». Motif, signifié dans la lettre: «Nos statuts prévoient, de manière inattaquable, l’exclusion de l’association de membres si d’aventure une situation de conflit d’intérêts devait apparaître. Nous ne souhaitons évidemment pas devoir actionner une telle clause, soucieux de créer un débat démocratique, serein et constructif.»

Une position que les représentants de Goya Onda ne comprennent pas. «Bien sûr que des interrogations se poseront quant à notre présence, mais de là à nous exclure… C’est une association qui se veut à charge et c’est regrettable», lance Marie Deschenaux, responsable de communication pour Goya Onda. Et de compléter: «Nous peinons à comprendre le refus d’accepter les parents d’Arnaud Dorthe, qui ne sont pourtant pas administrateurs de Goya Onda et qui sont, qui plus est, touchés par le trafic menant à la presqu’île. C’est très sélectif. Ils font exactement ce qu’ils nous reprochent de prétendument faire: manquer de transparence.»

Jeudi soir, l’ingénieur Jacques Dorthe, père d’Arnaud, a tout de même souhaité assister à la séance de constitution de la nouvelle association. Mais il a dû quitter la salle après qu’une majorité de citoyens ont confirmé leur refus de le voir intégrer la 1638.

Une association privée

Rencontrés hier, les membres du comité de l’association citoyenne jus tifiaient leur décision. «Nous ne sommes pas une assemblée commu na le , ma is une association privée. Nous voulons garder nos objectifs et axes stratégiques dans une certaine discrétion et avons jugé qu’il était incompatible d’être à la fois membre de l’association et partie prenante du projet Goya Onda», explique Alain Publioz, président du comité.

Ce refus d’adhésion temporaire est légal, indique Vincent Bosson. «Il s’agit d’une association privée, elle a le droit d’accepter qui elle veut», relève le lieutenant de préfet de la Gruyère, qui dit «suivre de près» les développements du projet Goya Onda. FP

«Ils se méfient, c’est chagrinant»

Depuis l’annonce d’un projet de vague artificielle aux abords de la presqu’île de Morlon, le syndic Pascal Lauber nage entre deux eaux. Tenaillé qu’il est entre, d’une part, son souci de ne pas se mettre à dos ses concitoyens et, d’autre part, son souhait de vouloir mieux connaître le projet avant de se prononcer. Dans tous les cas, celui qui est aussi président de l’association Sports en Gruyère n’a pas souvenir, depuis son installation dans la commune en 2001, d’un projet faisant autant causer au village. «Tout le monde semble avoir un avis, bien que le projet ne nous ait pas encore été présenté dans les détails. Il est trop tôt pour prendre position.» Et ce n’est pas de la mauvaise volonté ni un manque de transparence, assure-t-il. «Nous avons toujours dit que si le projet ne nous satisfaisait pas, nous donnerions un préavis défavorable lors de l’enquête préalable.»

L’association citoyenne, constituée jeudi, ne manquera pas d’interpeller la commune. «Je vois cette nouvelle association comme un groupe de discussion pouvant aider le Conseil communal. J’espère que des solutions constructives émaneront de nos échanges. Mais j’ai l’impression que certains citoyens la considèrent comme un moyen de pression sur l’Exécutif. Ils se méfient, c’est chagrinant. Que nous reprochent-ils?» s’interroge Pascal Lauber.

Pas encore de décision sur l’assemblée extraordinaire

Qu’en est-il de l’éventuelle tenue d’une assemblée extraordinaire relative au projet? «Le Conseil communal se prononcera sur cette assemblée dans le courant du mois d’août», précise Pascal Lauber. Mais l’édile ne cache pas son embarras: «Sur quel contenu pourrionsnous prendre une décision?» FP

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