Le Gruérien Paolo Sciotto entame sa 27e année à la tête de l’hôtel-restaurant Le Manoir, à Vaulruz. Il revient sur son parcours et sur les défis auxquels est confrontée sa branche.

ÉLODIE FESSLER

Impossible de manquer le re staura nt du Ma noir, lorsqu’on arrive à Vaulruz. Limposante bâtisse du XXe siècle se distingue de ses voisines par ses allures de chalet, avec sa façade en bois, ses poutres sculptées et ses balcons rustiques.

Hormis l’entrée refaite récemment, l’intérieur a conservé le charme désuet des vieux bistrots de campagne ou de quartier, lieux de sociabilité et de traditions. Dans un coin de la salle principale trône un vieux fourneau, tandis que des appliques éclairent un mobilier dans son jus. Vêtu de sa veste blanche de cuisinier, Paolo Sciotto salue ses clients avec un large sourire. Il entame sa 27e année à la tête de l’établissement, toujours avec la même énergie.

Lien émotionnel

Enfant, Paolo Sciotto ne se voyait pas tenir un restaurant. Ses parents étant propriétaires du Bellevue à Broc, ses sœurs et lui étaient amenés régulièrement à les aider. «Je n’ai pas été dégoûté du métier, mais je voyais que le travail était dur et qu’il compliquait la vie de famille.»

Son père rachète en 1978 la pension du Castel pour la transformer en hôtel-restaurant (l’actuel Manoir) disposant d’une dizaine de chambres. Malheureusement, il décède quelques années plus tard. «Je n’avais que 15 ans, je ne pouvais pas tenir l’établissement», confie le tenancier.

Formé comme fromager, il enchaîne alors divers boulots avant de suivre les cours de cafetier. Il reprend finalement l’établissement de Vaulruz en 1995, épaulé par sa sœur (la seconde rejoindra le navire plus tard) et sa maman. «L’établissement devait rester dans la famille, il y avait un lien émotionnel fort. Nous avons opté pour une pizzeria, car mon père, Sicilien d’origine, avait ouvert à Broc la première du district! D’ailleurs, je suis persuadé qu’il nous surveille depuis là-haut.»

Un métier social

Dès les débuts, la clientèle répond présent. Selon Paolo Sciotto, la cuisine, la terrasse face au Moléson et l’emplacement stratégique proche de l’autoroute y sont pour beaucoup, mais pas que. Il instaure des rendez-vous ponctuels pour sa clientèle. A l’image de la fête de la fin des foins à la mi-juillet, lors de laquelle il sert son rôti à la broche dans une cantine installée pour l’occasion, tandis que des animations musicales assurent une ambiance folklorique. «Le côté convivial du restaurant fait que les gens s’y sentent bien. Un restaurant doit avoir une âme. Nous sommes parvenus à la façonner au fil des années. Et puis, notre métier est aussi social. Les clients aiment se confier à nous.»

Des habitués qui lui ont valu indirectement des ennuis l’automne passé. Voyant que le passe Covid de l’un d’entre eux n’avait pas été demandé, une personne avait dénoncé Paolo Sciotto à la police. Ce dernier avait fait part de son mécontentement dans un courrier de lecteur (La Gruyère du 30 septembre). «C’était un bon client qui était déjà venu dans la semaine. Nous n’avions donc pas recontrôler son certificat!»

Relève assurée

Coprésident de la section Gruyère-Veveyse de GastroFribourg, Paolo Sciotto a remarqué que, depuis le début de la pandémie, de nombreux établissements ont vu leurs collaborateurs changer de voie. «Je reste persuadé que la branche a encore de beaux jours devant elle. Il y aura toujours des passionnés! Ce qui me plaît dans ce métier, c’est que rien n’est acquis. Il faut toujours aller de l’avant.»

Le Gruérien a d’ailleurs installé il y a un mois un automate à pizzas du côté de Bulle (lire ci-dessous). Il prend également soin de rénover régulièrement son établissement. «Il demande un entretien continu. Je me pose déjà la question de ce qu’il deviendra dans une dizaine d’années, lorsque j’aurai atteint l’âge de la retraite. Mais, pour l’instant, je vis l’instant présent, la motivation est toujours là!»

Lui qui s’inquiétait de l’impact du métier pour sa famille semble apaisé de ce côté-ci. «Je parviens à concilier ces deux vies, essayant d’être présent au maximum pour ma femme et mes deux enfants.»

Aujourd’hui, le Manoir se porte bien et compte une quinzaine de collaborateurs, dont Rosalie, 87 ans, la mère de Paolo Sciotto. «Elle tient à venir régulièrement nous donner un coup de main. Ce restaurant, c’est toute sa vie», sourit-il. Et la relève semble être en bonne voie. «Lorsque l’enseignante de l’un de mes fils lui a demandé quel métier il voulait faire plus tard, il a répondu «chef du Manoir, comme mon papa»! ■

Un automate pour commander des pizzas à toute heure

Paolo Sciotto a installé début décembre un drôle de distributeur à Bulle, devant l’hôtel Ibis. «C’est le premier automate à pizzas de la Gruyère! J’avais découvert cette innovation à la télévision», affirme le patron du Manoir, à Vaulruz. La machine est constituée d’une première partie réfrigérée, où 96 pizzas peuvent être entreposées. La seconde regroupe deux fours et tout le système électronique. Paolo Sciotto remplit régulièrement la machine d’une vingtaine de pizzas confectionnées par ses soins au Manoir. Margherita, champignons ou thon, sept sortes sont proposées aux clients. «Il s’agit de pizzas précuites qui passent ensuite trois minutes au four avant d’être mises dans des cartons. L’automate peut en sortir deux à la fois! Et si l’on souhaite les recevoir froides pour terminer la cuisson à la maison, c’est aussi possible.» Les cartons sont équipés d’un QR code lui permettant de suivre en direct sur son smartphone l’état du stock. «L’emplacement est intéressant. L’hôtel n’ayant pas de restaurant, les clients ont ainsi l’automate à disposition et la zone industrielle regroupe de nombreuses entreprises.» Les premiers retours sont positifs, si bien que le restaurateur espère installer d’autres automates à pizza dans les environs. «L’idéal serait d’en mettre un en Glâne et un autre en Veveyse.» EF

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