Ma quête du 10, la série d’été de LaGruyère, s’intéresse à la signification du chiffre dix pour différents athlètes.

Premier épisode sur le ippon avec la judoka attalensoise Manon Monnard.

Focus sur cette action faisant gagner à coup sûr son auteur lors d’un combat.

VALENTIN THIÉRY

JUDO. «Le ippon, c’est l’objectif principal du judo. On le vise pour remporter un combat. Il faut projeter son adversaire sur le dos et que ses épaules touchent le tatami, avec du contrôle et de la vitesse», explique l’Attalensoise Manon Monnard. A la suite de ça, sur le tableau des scores, un «1» apparaît. Associé au 0 du wazaari, ils forment le nombre 10. Le 10 qui délivre, puisqu’il met automatiquement un terme à la joute. «Le ippon est une question de timing, de force et de technique. C’est difficile de tout combiner. Il est très complet et implique des exercices de musculation sur tout le corps. On le répète des milliers de fois. Quand ça passe en compétition, c’est un sentiment incroyable.»

Une finalité et des émotions: voilà ce que cette séquence évoque pour la Veveysanne de la catégorie des moins de 52 kilos. Elle estime à une quinzaine les chemins classiques pour y parvenir, «mais il y a tellement de variations. Ma favorite? Une de la famille des seoi-nage, basée sur un mouvement d’épaule vers la gauche, alors que je suis droitière, et d’une charge (photo). Quand ça marche, c’est cool, livre-t-elle, d’un petit air satisfait. Esthétiquement, c’est superbe. En revanche, il n’en est pas de parfait, car la perfection n’existe pas en judo. On essaie toutefois de s’en approcher.»

Enrichir son judo

Sa quête du 10 repose sur la patience et la réflexion même si, parfois, la sociétaire du Judo-club Attalens a envie de gagner tout de suite. «Ceux qui découvrent notre sport pensent souvent qu’un ippon est simple à exécuter, car à l’entraînement ils n’ont pas de résistance, ajoute Manon Monnard. Or, en tournoi, c’est bien plus compliqué. On doit construire son combat. On le prépare en fonction de ce que l’on sait sur son adversaire et de ses réactions dans la confrontation.»

Rares sont les judokas qui ne misent pas spécialement sur le ippon en tentant davantage de faire la différence sur le côté. «Généralement, je le cherche. Et s’il n’est pas validé et que ça fait moins de points, je prends.» Il arrive aussi de se retrouver dans l’incapacité de le réaliser à cause du rang de la rivale ou de son gabarit. «Plus le niveau est élevé, plus c’est dur. Les filles d’expérience répondent mieux. Sa réussite est si unique que c’en est beau, insiste l’étudiante de 22 ans. Après, chacune a son propre judo qu’elle enrichit afin de disposer d’une palette de solutions pour vaincre tout le monde.»

Pas d’embrouille

Si un ippon est délicat à obtenir debout, il peut se régler au sol après immobilisation, clé de bras ou étranglement. La panoplie de coups s’étoffe également grâce à des échéances à l’étranger. «Les stages hors de Suisse sont vraiment importants. On rencontre d’autres judos. Ce n’est pas comme en athlétisme où l’on se bat contre le chrono. On est obligés de voir comment c’est ailleurs pour s’adapter et observer ce qui nous manque. J’utilise aussi la vidéo, mais seulement pour collecter les principales informations sur mon adversaire. Les images ne doivent pas m’embrouiller.»

Pour atteindre son but, l’athlète de l’équipe nationale a ses préférences. Elle aime passer sous le centre de gravité de son opposante et les judokas classiques de sa taille, voire un peu plus grandes. «Je n’ai pas trop l’habitude des attaques dans les jambes ou des kumikata - la saisie du kimono - bizarres. Beaucoup de filles de l’Est sont presque des lutteuses, car elles te collent à l’arrière. Je peux être submergée et perdre mes moyens.»

Paris 2024

Ippon rime enfin avec sensations même sans être sur le tatami. Manon Monnard se souvient d’une finale de Grand Slam à Paris suivie comme spectatrice. «Ce duel entre Japonaises était fermé. Elles se connaissaient par cœur. Puis, sorti de nulle part, Yoko Ono gagne sur ippon-seoi-nage. Il était si propre. En moins de 70 kilos, cette technique est impressionnante. Avec la folle ambiance dans la salle, ça m’avait marquée.»

Paris où se dérouleront les prochains jeux Olympiques en 2024. L’autre quête de Manon Monnard.■

Monnard «trop gentille» à Budapest

Défaite au premier tour pour Manon Monnard au Grand Slam de Budapest, vendredi. En Hongrie, l’Attalensoise faisait ses grands débuts dans la plus haute catégorie de compétition du World Tour en judo. La 104e mondiale a perdu contre l’Italienne Giulia Carna, 53e et tombeuse au tour d’après de la médaillée de bronze aux derniers jeux Olympiques de Tokyo. «Je suis hyper déçue et frustrée. Je n’ai pas trouvé de solution pour poser mes mains et attaquer correctement, peste-t-elle. J’aurais dû varier et venir plus fort pour m’engager davantage.»

Manon Monnard s’est inclinée après une lutte intense, fermée et ponctuée d’un seul waza-ari. «Je l’ai mise en danger sur une ou deux attaques, mais j’ai manqué de percussion pour un ippon. J’ai été trop gentille. Je devais foncer dedans. Il ne faut pas toujours faire tout joli et plutôt s’imposer agressivement. J’étais prête. Avec un peu de stress, mais positif. Je venais pour ne rien regretter. Ce n’est pas le cas», conclut celle qui sera à la Coupe d’Europe à Winterthour le week-end prochain. VT

«Dix-moi tout»

Le ippon numéro 1 de ta carrière?
En 2017, lors d’une Coupe d’Europe U18 à Berlin, l’une des plus réputées, dans une lutte pour la troisième place. La semaine d’avant avec Jérôme Guyot, mon entraîneur, on avait travaillé ce Ippon-O-Soto qui m’a permis de battre mon adversaire allemande. J’ai décroché ma première médaille et ma sélection pour les championnats d’Europe.

Un âge idéal pour atteindre son pic de forme?
A 24 ans, on a la maturité et l’expérience nécessaires pour être réguliers dans ses performances, et contre tout le monde. Et aussi parce que c’est l’âge que j’aurai lors des jeux Olympiques à Paris en 2024.

Un numéro fétiche?
Le 8, car je suis du 8 mars. Et 8, c’est deux fois le quatre que j’aime également.

Une date à oublier?
Le 4 novembre 2020. Un combat très mal géré tactiquement et perdu sur une bêtise au premier tour des Européens. A cause du Covid, c’était la seule compétition lors de ma dernière année en juniors. Une occasion loupée.

Une note pour ton parcours de judoka?
Je mets 7/10. Je suis une éternelle insatisfaite, mais il faut être positive.

Un objectif chiffré à venir?
Un, comme le numéro de la marche du podium sur laquelle je veux monter lors des prochains championnats d’Europe U23. VT

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