Mathieu Romanens a représenté la Suisse au Supermoto des Nations.

Le jeune Botterensois s’est mesuré aux meilleurs pilotes de la planète le week-end dernier sur le circuit Carole, près de Paris.

Portrait du motard gruérien à travers cinq éléments indissociables de sa pratique.

VALENTIN THIÉRY

SUPERMOTO. Il est 17 h 32 ce mardi soir. Mathieu Romanens arrive au domicile familial, surplombant le lac de la Gruyère. Le motard de Botterens vient de boucler une journée d’apprentissage d’installateur sanitaire entamée à 7 h, à Sâles. Ce programme, il le répète quatre fois par semaine. Le mercredi, il suit les cours à Fribourg. Pas le temps de prendre une douche, le voilà prêt à faire découvrir qui il est.

● MATHIEU ET SON MOTEUR

«Ma passion pour la moto remonte à mes cinq ans. J’ai vite aimé ce sport, même si mes débuts ont été compliqués. Ma première saison en championnat de Suisse, je l’avais finie avantdernier. Je n’ai pas directement été bon. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je le suis. J’ai encore beaucoup à apprendre. Mon papa et sa carrière de pilote me motivent aussi. Sans lui, je ferais du foot comme tout le monde. Lui et ma maman sont là à chaque course pour me soutenir. Quant à ma moto, c’est un peu comme ma copine. Je ne pourrais pas m’en passer.»

● MATHIEU ET SON ÉQUILIBRE

«Je n’ai pas l’occasion de m’entraîner en semaine. Je le fais donc le weekend à l’étranger, faute de circuit chez nous. Quand j’enchaîne trop d’entraînement, je le dis et mes parents l’entendent. Il me faut du repos, voir ma copine et mes potes. J’aime passer des soirées avec eux. Ils me permettent de souffler et de penser à autre chose. Ils comprennent ma situation et mes absences. Certains m’envoient des messages d’encouragement avant un événement.»

● MATHIEU ET SES FREINS

«J’ai confiance en moi. Avant, j’étais plutôt stressé, particulièrement aux départs, mais j’ai progressé. En revanche, j’ai parfois de l’appréhension. Ce qui me fait peur, c’est que la moto est une discipline très dangereuse. Je me suis déjà cassé l’épaule, le tibia et le poignet. »Puis ce printemps, Jason Dupasquier, qui était un ami, est décédé des suites d’un accident (n.d.l.r.: survenu durant les qualifications du Grand Prix d’Italie Moto 3). Je me dis aussi que je ne dois pas forcer, car j’ai le boulot le lundi. Je ne peux pas risquer de perdre mon apprentissage.»

● MATHIEU ET SES TROPHÉES

«Mon rêve était d’affronter les plus grands pilotes internationaux. Il s’est réalisé le week-end dernier au Supermoto des Nations. Désormais, je veux participer au championnat du monde. Mais d’abord, je ferai des épreuves européennes. L’an prochain, je veux être champion de Suisse en catégorie challenge. Pour le titre 2021, ce sera quasi impossible, car j’ai perdu des points et il ne reste plus qu’une manche. C’est une déception.

»En dehors de la moto, je veux terminer mon CFC en étant le meilleur. On en revient à l’équilibre. Je veux réussir dans les deux domaines pour pouvoir choisir ma voie, même si percer dans ce sport est difficile. Mes parents m’aident à prendre les décisions justes. Si je ne sais pas trop quoi faire, je leur demande conseil. Je suis plus à m’exprimer que de rester dans mon coin. Ma sœur (21 ans) est également là pour moi.»

● MATHIEU ET SA TERRE

«Le motocross, c’est plus pour m’amuser. Ça reste important pour moi et quand je fais une course, je veux la gagner. J’ai toutefois moins de niveau qu’en vitesse. Le point positif, c’est que je peux rouler dans la région. Une région où je me sens vraiment bien. Les vaches, leurs cloches, les beaux paysages, les promenades à vélo: je ne pourrais pas habiter en ville.

»A part en course, je n’apprécie pas trop les endroits où il y a du monde et du bruit. Le dimanche, quand je rentre d’un week-end moto en France ou en Italie, je suis content de retrouver ma tranquillité. Et parfois, il y a une tomme qui m’attend à mon retour. J’adore.» ■

«Il a besoin de comprendre pour évoluer»

Déborah Romanens est la maman de Mathieu. A la base, elle n’a pas de lien avec la moto. Elle prend désormais du plaisir à accompagner son fils qu’elle considère comme épatant. Elle confie que petit, il était bout-en-train et plutôt à faire des bêtises. «Sa principale qualité est son énorme volonté, commence-t-elle. C’est assez fou. Il ne baisse jamais les bras. Même si parfois, c’est un peu dur au départ. Il s’accroche à plein de choses, notamment à ses rêves. A son âge, il a les amis, sa copine, les sorties. Mais il fait bien la part des choses.» D’après sa maman, Mathieu peut être borné. «Il est plus proche du caractère de son papa
(rires). Je suis calme. Eux sont plus impulsifs. Je dois donc temporiser.»

Tel père, tel fils

Les qualités de motard de Mathieu proviennent sans doute de son père. Jean-Luc, dit Lucky, a été deux fois champion de Suisse de vitesse, d’abord en 600 cm3 en 1990, puis en superbike en 1992. Il a également été pilote officiel Yamaha et a roulé une demi-saison en Grand Prix. Aujourd’hui, il conseille son fils, tout comme le Brocois Christophe Sudan, son autre guide. «Mathieu est moins tête brûlée que moi. Il a besoin de comprendre pour évoluer dans sa performance, détaille l’homme de 60 ans. La preuve au Supermoto des Nations le week-end dernier: il y avait d’abord une grosse différence avec les meilleurs mondiaux. Puis, elle a diminué à chaque séance grâce à ses analyses.»

Sur son bolide, Mathieu est très réfléchi, qualité appréciée dans un sport à haut risque. «Il garde toutefois ce grain de folie qui permet de passer là où ça ne passe pas. Il lui manque de l’expérience et de la concentration. Cela viendra en grandissant», conclut le paternel. VT

«Je ne réalise toujours pas»

Mathieu Romanens est l’un des trois meilleurs jeunes du pays en vitesse chez les 15-23 ans. Le week-end dernier, il a représenté la Suisse junior au Supermoto des Nations sur le circuit Carole, près de Paris. Particularité: son équipe et les adultes ont pris part aux mêmes courses et sont apparus dans un même classement final remporté par la France. «J’étais le plus jeune pilote de l’événement, livre le Botterensois. J’ai affronté les meilleurs, comme le Français Thomas Chareyre, multiple champion du monde, ou l’Italien Elia Sammartin. Lors de la deuxième manche, j’ai même devancé certains durant un moment grâce à un bon départ. Je ne réalise toujours pas d’avoir pu rouler là-bas.»

Le Gruérien a fini 21e, puis 17e sur 28, à environ 1’30 du vainqueur. Lui et ses deux compatriotes juniors ont bouclé leur aventure en 10e position et leurs aînés à la 6e. «J’y suis allé pour me faire plaisir, rouler le mieux possible et montrer à la fédération que je peux revenir en 2022. Ce rendez-vous m’a permis d’évoluer en termes de pilotage et de gagner en expérience», ajoute celui qui chevauchait une KTM 450 cm3 alors qu’en championnat de Suisse, il dompte une 250 cm3. Mathieu Romanens gardera l’engin utilisé en France pour la dernière étape de la compétition nationale. Il aura donc plus de puissance à Lignières (Neuchâtel) le week-end prochain. VT

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