Douze ans après son entrée en fonction, Gaétan Emonet a quitté son poste de président de la Société pédagogique fribourgeoise francophone. L’enseignant de Remaufens dresse le bilan de ses trois mandats.

VALENTIN CASTELLA

ÉDUCATION. C’est à Remaufens, là où il habite, que Gaétan Emonet a transmis le flambeau de la présidence de la Société pédagogique fribourgeoise francophone (SPFF) à Raphaëlle Giossi et Claire Spring. Vendredi au terme de l’assemblée (lire ci-dessous), il a tourné la page après trois mandats de quatre ans. S’il est heureux que la SPFF puisse bénéficier d’un «nouveau souffle», l’enseignant de 53 ans ne peut masquer une certaine nostalgie à l’idée de quitter la présidence. Ce qui va lui manquer? «L’adrénaline des combats syndicaux», avoue-t-il en souriant.

Des batailles, le député socialiste et enseignant à Châtel-Saint-Denis en a mené plus d’une durant cette décennie. Il revient sur les faits marquants et évoque l’évolution de l’école.

● MESURES D’ÉCONOMIE

«En 2013, environ 2500 personnes se sont retrouvées dans la rue pour protester. Même si ces mesures nous ont fait mal, les membres de la SPFF ont finalement accepté une proposition du canton, car il s’agissait de la moins mauvaise solution.»

● LA NOUVELLE LOI SCOLAIRE

«Le premier projet a été mis en consultation en 2010. Il a fallu cinq ans pour que cette loi entre en vigueur. Au départ, la SPFF était critique. Beaucoup de discussions ont eu lieu pour rendre acceptable l’application de cette loi. A cette occasion, il s’est déroulé une petite révolution dans le monde de l’enseignement. Je pense notamment à l’introduction des directeurs d’établissement et aux nouveaux rôles des inspecteurs.»

● LA CAISSE DE PRÉVOYANCE

«Le plus important et compliqué dossier à gérer! Le sujet était si émotionnel. Au départ, le projet était inacceptable. Les représentants de la SPFF et la Fédération des associations du personnel du service public du canton sont descendus dans la rue pour le faire savoir. A ce moment-là, le Syndicat des services publics (SSP) était encore à nos côtés. Les tensions se sont accentuées entre nous et le SSP lorsque nous avons accepté une dernière version du Conseil d’Etat. Le SSP a voulu continuer le combat. Pas nous. Depuis, le dialogue est rare entre les deux syndicats. C’est dommage pour la défense du personnel.»

● LA CRISE SANITAIRE

«Toutes les écoles ont été fermées du 16 mars au 11 mai 2020. Du jamais-vu. Tous les enseignants se souviendront de cette période. La SPFF s’est montrée très active, en informant les collègues qui posaient beaucoup de questions. La crise sanitaire a permis d’accélérer le processus en matière informatique. Cette année, les enseignants sont contents de ne pas devoir porter de masques. C’était pénible. Concernant la vaccination, on sent bien que les nouvelles mesures ont été mises en place pour l’accélérer. Cela reste toutefois un choix personnel et la SPFF ne se prononce pas à ce sujet.»

● LES ENSEIGNANTS

«La nouvelle loi scolaire a modifié leurs habitudes. Ils sont obligés de travailler en commun. Un état d’esprit propre à chaque établissement s’est créé. C’est terminé le temps du slogan “une classe, un enseignant et ses élèves”. Un autre changement est à signaler. La nouvelle loi sur l’enseignement spécialisé fait parfois grincer des dents. Cette mesure intégrative est positive. Mais elle impose davantage de travail aux enseignants. Les moyens manquent pour accompagner ces élèves. J’aimerais également que l’Etat prenne des mesures concernant l’augmentation des burnout. Le métier se complexifie, ce qui stresse et fatigue la profession. Je note aussi qu’elle n’est plus autant respectée qu’auparavant par certains parents. Heureusement, l’hémorragie annoncée à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle caisse de prévoyance n’a pas eu lieu. Nous ne subissons pas une explosion de départs.»

● LES ÉLÈVES ET LES PARENTS

«Dire que l’éducation n’est plus la même que par le passé serait un raccourci trop facile. Les parents désagréables ont toujours existé. Il s’agit simplement de l’évolution de la société. Il n’y a plus beaucoup d’enfants qui construisent des cabanes en forêt. Ils sont davantage sur les écrans. Etait-ce mieux avant? Je ne suis pas là pour juger. Je note juste que certains enseignants se fatiguent à s’occuper d’élèves en difficultés comportementales. Peu de soutien est prévu pour ces enfants-là. Nous avons d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme auprès du canton (lireci-dessous).»

● LES PROCHAINS DÉFIS

«La révision du règlement du personnel enseignant va commencer. Il s’agit d’un gros morceau. Il faudra également faire attention à ce que le nombre de remplaçants ne diminue pas encore. Car nous connaissons actuellement une pénurie. La SPFF ne s’est pas encore prononcée à ce sujet, mais en 2023 sera appliquée la nouvelle orthographe rectifiée. Elle peut choquer les puristes. Le syndicat des enseignants romands l’a toujours soutenue. Le seul point que l’on pourrait discuter concerne la disparition de l’accent circonflexe. Faut-il vraiment débattre sur le sujet? Je n’en suis pas certain. Je préfère évoquer l’écriture inclusive, que j’utilise tout le temps désormais.» ■

Une revalorisation salariale demandée

Soixante délégués et une dizaine d’invités ont pris part à la dernière assemblée de Gaétan Emonet à la tête de la Société pédagogique fribourgeoise francophone (SPFF). Vendredi dernier à Remaufens, le Veveysan a soulevé plusieurs points. Le premier concerne le salaire des enseignants officiant en primaire. La SPFF requiert une revalorisation. «Aujourd’hui, la majorité des enseignants ont terminé leurs études à la HEP et bénéficient d’un bachelor. Selon l’évaluation des fonctions de l’Etat de Fribourg, ce niveau requiert une augmentation salariale. Nous demandons donc une revalorisation d’au moins une classe.» Gaétan Emonet, qui a transmis vendredi le flambeau aux coprésidentes Raphaëlle Giossi et Claire Spring, informe qu’une demande officielle a été transmise au Conseil d’Etat. Une réponse devrait être donnée «dans quelques mois», reprend le citoyen de Remaufens.

Des aménagements pour la rentrée

Autre souhait du désormais ancien président: que des aménagements soient effectués pour les enseignants officiant en 1H et en 2H. «La rentrée est compliquée pour eux, qui doivent souvent gérer d’importants effectifs. Nous demandons que les 1H et les 2H qui se retrouvent dans la même classe puissent effectuer des rentrées séparées les sept premiers jours.»

Enfin, l’inspecteur Michel Piller a fait le point sur une requête de la SPFF, qui demandait davantage de soutien concernant les élèves qui éprouvent des difficultés comportementales. «Un groupe de travail a été formé pour évaluer la situation», se réjouit Gaétan Emonet. VAC

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